25 novembre 2024 – Le 25 novembre est la Journée internationale des Nations Unies pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes. Cette année encore, l’ONU a publié des chiffres terribles : au moins 51 100 femmes ont été tuées en 2023 par leur partenaire ou un membre de leur famille, soit une femme tuée toutes les 10 minutes. Dans le monde, près d’une femme sur trois a subi des violences physiques et/ou sexuelles de la part de son partenaire intime, des violences sexuelles non liées au partenaire ou les deux, au moins une fois dans sa vie. Les chiffres sont les mêmes pour l’Union européenne. Et maintenant, cette violence se manifeste également dans le cyberespace : plus d’une jeune femme sur deux dans le monde est touchée par la cyberviolence (selon les chiffres de l’UE).
Une priorité dans les politiques locales de sécurité
L’Efus estime que cette violence généralisée, qui touche aussi bien la sphère publique, professionnelle que privée, doit être traitée en priorité par les politiques locales de sécurité. Le Manifeste Sécurité, Démocratie et Villes de l’Efus recommande que « les collectivités territoriales soient pleinement impliquées dans les stratégies de lutte contre les violences de genre » et que leur rôle en matière de prévention et d’assistance aux victimes soit « reconnu et fortement soutenu par les gouvernements nationaux ainsi que par les institutions européennes et internationales ». Les collectivités membres de l’Efus s’engagent notamment à intensifier leurs efforts pour établir et coordonner des « réseaux de prévention rassemblant de nombreuses parties prenantes » et à diversifier les profils, notamment de genre, des équipes engagées dans la prévention des violences faites aux femmes.
Améliorer la détection, la prévention et l’assistance
Ainsi, nous avons organisé une session sur les violences sexistes et sexuelles lors de notre dernière conférence Sécurité, Démocratie et Villes, en mars 2024 à Bruxelles. Les participants ont souligné que l’amélioration de la détection, de la prévention et de l’assistance aux victimes de violences sexistes et sexuelles nécessite de larges partenariats locaux, et qu’autant les victimes que les auteurs doivent être associés aux mesures de prévention. Il est notamment important de former tous les acteurs concernés, en particulier les agents de police, à la prise en charge des victimes et à la compréhension de la nature spécifique de cette violence, y compris le cycle de la violence et les différents types d’abus (psychologique, physique, virtuel, économique, etc.).
Les participants à cette session ont également souligné qu’il est important que les femmes soient plus nombreuses, à tous les niveaux de hiérarchie, dans le personnel des organismes intervenant en matière de sécurité, non seulement la police mais aussi les autres services publics et acteurs de la prévention. Un exemple est celui du gouvernement régional de Catalogne en Espagne, qui s’efforce d’augmenter le nombre de femmes au sein de la police régionale (les Mossos d’Esquadra) dans le cadre du travail mené par le réseau EU-POLNET des forces de police locales et régionales européennes.
Trois décennies de travail
L’Efus travaille sur la question des violences sexistes et sexuelles depuis sa création, il y a plus de 35 ans. Malheureusement, ce phénomène reste aussi répandu aujourd’hui qu’à l’époque, même si l’on peut dire qu’il y a eu depuis une prise de conscience à tous les niveaux du gouvernement et de la société. Nous regroupons nos activités sur cette question dans le cadre de l’initiative Women and Cities (WICI), qui reflète notre engagement à adopter une perspective féministe et basée sur le genre dans notre travail, en répondant, comme toujours, aux besoins des villes de notre réseau.
L’Efus s’engage à adopter dans toutes ses activités une perspective féministe et fondée sur le genre pour répondre aux besoins des villes de son réseau.
Au fil des ans, nous avons travaillé avec nos villes membres sur divers aspects des violences sexistes et sexuelles, de la maltraitance des femmes âgées à la traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle. L’un des projets les plus récents dont nous avons été partenaires est SHINE (2020-2023), qui visait à créer une culture commune parmi les acteurs de la vie nocturne et à leur donner des outils appropriés pour prévenir le harcèlement sexuel dans les lieux de vie nocturne.
Inspirer les pratiques locales
La sécurité des femmes dans la vie nocturne est une question qui préoccupe bon nombre de nos villes membres, telles que Nice et Bordeaux (France), qui ont toutes deux récemment mis en place le dispositif Demandez Angela, par lequel est établi un réseau de bars, restaurants ou commerces qui s’engagent à assister les victimes de harcèlement. La ville de Nice a mis en œuvre une version adaptée de ce programme dans le cadre du projet IcARUS dirigé par l’Efus, qui s’est achevé en août.
D’autres exemples d’actions locales inspirantes ont été donnés dans le cadre du Prix prévention de la délinquance 2023 du Forum français pour la sécurité urbaine (FFSU), dont le thème était la prévention des violences sexistes. L’un des lauréats a été la campagne de communication #wamitoo sur les violences sexuelles faites aux enfants dans le département français de Mayotte, organisée par l’association Haki za Wanatsa et le collectif CIDE Océan indien. Un autre lauréat est le dispositif mis en place dans le département de Martinique par les services de la Protection judiciaire de la jeunesse pour prévenir la récidive chez les jeunes délinquants sexuels.
Ce ne sont là que quelques exemples de programmes mis en œuvre au niveau local pour lutter contre toutes les formes de violence à l’égard des femmes.
L’approche genrée de la sécurité urbaine
Au-delà des pratiques locales visant à lutter directement contre les manifestations de violence sexiste et sexuelle et à aider les victimes, il est intéressant, et nécessaire, d’aborder toutes les questions de criminalité et de sécurité urbaine avec une perspective de genre. Cette approche gagne du terrain parmi les décideurs politiques dans toute l’Europe (et au-delà), et l’Efus espère qu’elle se généralisera.
Les autorités locales peuvent contribuer à la prévention en adoptant une approche de genre dans toutes leurs politiques et programmes de sécurité, ce qui implique d’examiner les questions du point de vue et de l’expérience vécue par les femmes et de les inclure dans la prise de décision à tous les niveaux.
La protection de l’espace public est un domaine où la perspective de genre apporte de nouvelles idées. Ces dernières années, de nombreux travaux ont été consacrés à la manière dont les femmes et les filles peuvent se sentir en sécurité ou non dans leur ville et dans les espaces publics, et à la manière dont ceux-ci peuvent être adaptés à leurs besoins spécifiques, par exemple par le biais de l’éclairage public et de l’aménagement urbain. La pratique des marches exploratoires, où des femmes arpentent la ville la nuit et notent les lieux où elles se sentent insécures et pourquoi, est désormais utilisée par les urbanistes et les services municipaux.
Un autre exemple est celui de la prévention de la criminalité organisée, c’est-à-dire la façon dont les femmes peuvent être soit victimes soit impliquées dans des activités criminelles et en quoi elles le vivent différemment des hommes. On peut mentionner ici la pratique développée par la ville de Tilburg aux Pays-Bas. Intitulée Rompre le cycle, elle cible les femmes des familles où plusieurs générations d’hommes sont impliqués dans la criminalité organisée, afin de les convaincre d’inciter leurs partenaires, leurs fils et d’autres membres de la famille à se détourner du crime.
Une approche « toute la société »
Ces quelques exemples, qui ne reflètent que partiellement la richesse des pratiques de prévention mises en œuvre par nos villes membres et bien d’autres, montrent qu’éliminer le fléau des violences sexistes et sexuelles demande une approche « toute la société ». Cela signifie que tout le monde, partout, à tous les niveaux du gouvernement et de la société, doit inclure une approche de genre dans tous les aspects de la sécurité urbaine, à la fois dans les espaces physiques et numériques. Cela semble plus important que jamais à une époque où la « manosphère » et la misogynie militante reviennent en force dans le débat public, avec des conséquences réelles sur la sécurité des femmes et des filles. Plus que jamais, l’Efus s’engage à jouer pleinement son rôle pour que les femmes et les filles puissent jouir de la sécurité et de la liberté dans nos villes.
À lire, consulter, écouter
> Notre podcast sur le genre et la sécurité urbaine (18 minutes) avec Barbara Holtmann, experte associée de l’Efus sur les questions de genre et directrice de l’ONG Fixed Africa, et Àngels Vila Muntal, directrice du service de prévention de la criminalité de la ville de Barcelone (Espagne)
> Entretien avec Barbara Holtmann sur le genre et la sécurité urbaine
> En savoir plus sur l’initiative Women in Cities (WICI) et les activités de l’Efus en matière de violence et de discrimination fondées sur le genre
> Le projet IcARUS, que l’Efus a mené pendant quatre ans et qui s’est achevé en août, a adopté l’approche de genre dans toutes ses activités. Les partenaires ont publié une fiche de synthèse qui explique cette approche de manière claire et concise, et comment elle peut être appliquée à tous les domaines de la sécurité urbaine.