Comment prévenir la radicalisation en prison et en probation ? L’Efus et d’autres acteurs européens échangent lors d’une conférence de l’UE

Bruxelles, Belgique, mars 2018 — Pilote du projet européen PREPARE sur la prévention de la radicalisation en prison et en probation, l’Efus a participé à une conférence sur cette thématique organisée par la Commission européenne avec l’Organisation européenne de la prison et des services correctionnels (European Organisation of Prison and Correctional Services, Europris) et la Confédération de la probation européenne (CEP) à Bruxelles, le 27 février. Plusieurs projets européens ont été présentés, tels que R2pris, sur les programmes de formation permettant au personnel pénitentiaire de détecter et réduire la vulnérabilité des prisonniers au radicalisme, DARE, sur l’évaluation du risque d’extrémisme violent, ou RIVE, un projet français de surveillance et de gestion des individus radicalisés.

Outre ces projets et d’autres sur le même thème, les échanges ont été consacrés notamment à la pertinence des outils d’évaluation du risque, à la spécificité et au contenu des programmes de formation pour le personnel pénitentiaire et les agents de probation, à l’efficacité des programmes de réhabilitation et aux différentes réponses au phénomène des returnees (les individus qui reviennent des zones de guerre), notamment les mineurs.

Des outils d’évaluation des risques encore peu développés

En matière d’outils d’évaluation des risques, qui demandent de rassembler et d’analyser des données, il existe d’importantes différences entre les pays européens. Bien qu’ils soient encore au stade du développement, ces outils ont déjà beaucoup évolué ces dernières années et sont constamment améliorés. Les plus couramment utilisés aujourd’hui sont VERA-2, IR46 et ERG+22.

Bien qu’ils soient effectifs pour détecter des changements positifs ou négatifs chez les détenus, les participants ont exprimé leurs préoccupations sur les effets négatifs de tels outils, comme le risque de catégoriser les détenus, ou bien la perte de légitimité du personnel pénitentiaire face aux détenus, ou encore le risque d’aliénation. Les participants ont souligné la nécessité de travailler vers un outil paneuropéen et partagé d’évaluation du risque posé par les détenus extrémistes et violents.

Quel contenu pour les programmes de formation ?

La discussion sur les programmes de formation pour le personnel pénitentiaire et les agents de probation a essentiellement porté sur les contenus. En Europe, les programmes de formation varient d’un pays à l’autre. Par exemple dans certains pays membres, les formations sont surtout consacrées à l’extrémisme islamiste, alors que d’autres pays ont une approche plus globale visant à doter les acteurs de connaissances approfondies sur les différentes idéologies extrémistes. Les participants ont aussi souligné le besoin d’avoir des supports de formation standardisés à l’échelle européenne mais aussi dans chaque pays membre.

Réhabilitation : garantir la cohérence des programmes pendant et après la détention

Il est intéressant de noter que le terme de « déradicalisation » n’est plus employé par les institutions européennes. En effet, le Commissaire à la sécurité de l’Union, Sir Julian King, a confirmé dans son discours de clôture que ce terme n’est plus approprié et que l’UE préfère aujourd’hui parler de désengagement, qui fait référence à un changement de comportement plutôt que d’idéologie.

En matière d’intervention des psychologues spécialisés, de soutien théologique ou pastoral et d’aide sociale, les participants ont souligné que les possibilités d’intervention en prison dépendent toujours de la durée de la peine. Ils ont également insisté sur la nécessité de faire le lien entre la détention et la sortie de prison parce que c’est une phase cruciale du processus de réhabilitation, pendant laquelle la cohérence entre les programmes mis en oeuvre pendant et après la détention est essentielle.

Bien que ce point n’ait pas été abordé, il convient de souligner que les autorités locales peuvent contribuer activement à ce processus. Le projet PREPARE, qui développe neuf actions locales de prévention de la radicalisation violente en prison et en probation, est une réponse directe au besoin de cohérence entre ce qui est fait en détention et après la sortie de prison.

Returnees : vers une gestion individualisée au cas par cas

En ce qui concerne la gestion des returnees, les participants ont souligné l’importance d’adopter une approche différenciée, au cas par cas, selon le profil de chaque individu. Un exemple est la nécessité d’avoir une réponse distincte pour les hommes et pour les femmes car ils ont une expérience et une implication très différente lorsqu’ils sont dans les zones de combat.

Le principe de la différenciation est particulièrement pertinent en ce qui concerne les returnees mineurs, qui sont aujourd’hui une priorité clé pour les institutions européennes et les états membres. Il existe peu d’expériences dans ce domaine et les acteurs en contact avec le public sont demandeurs d’orientations et de recommandations de la part de l’UE.

Le rôle des autorités locales dans la prévention en prison et en probation

Bien que la coopération entre les différents acteurs était annoncée comme l’un des thèmes principaux de la conférence, il y a eu en fait peu d’échanges sur la participation des organisations locales lors de la sortie de prison et de la réintégration. L’Efus a cependant pu illustrer et souligner le rôle des autorités locales dans ces processus de prévention lors de l’atelier de la CEP, le 28 février.

L’Efus a présenté le projet PREPARE et les différentes activités qui seront entreprises par les autorités locales et régionales membres du consortium. Celui-ci est en cours de constitution. Il montera des programmes multi-disciplinaires de désengagement et de réhabilitation ciblant spécifiquement la sortie de prison et la probation.