Novembre 2025 – Chaque année, nous célébrons le 25 novembre la Journée internationale des Nations Unies pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes. C’est une question sur laquelle l’Efus travaille depuis sa fondation, il y a près de 40 ans. Ce fléau affecte des millions de femmes dans le monde : une sur trois selon les Nations Unies.
Violence digitale contre les femmes
De façon plus préoccupante peut-être, cette violence prend de nouvelles formes et se répand rapidement via le monde digital. C’est pourquoi l’ONU concentre cette année sa campagne sur « un phénomène grave et en augmentation rapide qui cherche à faire taire les femmes, en particulier celles qui ont une forte présence digitale par leur engagement politique, militant ou leur profession de journaliste ».
L’émergence de la ‘manosphère’, qui diffuse des contenus misogynes et agressifs, est l’un des exemples les plus visibles de ce phénomène. Le Conseil de l’Europe note à cet égard que la cyberviolence est « un problème croissant dans le monde entier – encore plus depuis la pandémie de Covid-19 – et elle est souvent fondée sur le sexe et vise les femmes et les jeunes filles. La cyberviolence fait obstacle à la pleine réalisation de l’égalité des sexes et porte atteinte aux droits des femmes ».
Le saviez-vous ?
- 85 % des femmes ont personnellement subi des violences numériques ou en ont été témoins à l’encontre d’autres femmes.
- La désinformation et la diffamation sont les formes les plus courantes de violence en ligne à l’égard des femmes. 67 % des femmes et des filles qui ont été victimes de violence numérique ont signalé cette tactique.
- 90 à 95 % de tous les deepfakes en ligne sont des images pornographiques non consensuelles, dont environ 90 % représentent des femmes.
- 73 % des femmes journalistes ont déclaré avoir été victimes de violence en ligne.
Source : Nations Unies
Une priorité dans les politiques locales de sécurité
L’Efus estime que cette violence généralisée, qui touche aussi bien la sphère publique, professionnelle que privée, doit être traitée en priorité par les politiques locales de sécurité. Dans notre Manifeste Sécurité, Démocratie et Villes, nous recommandons que « les collectivités territoriales soient pleinement impliquées dans les stratégies de lutte contre les violences de genre » et que leur rôle en matière de prévention et d’assistance aux victimes soit « reconnu et fortement soutenu par les gouvernements nationaux ainsi que par les institutions européennes et internationales ».
Féminiser les professions engagées dans la prévention
Les collectivités membres de l’Efus s’engagent notamment à intensifier leurs efforts pour établir et coordonner des « réseaux de prévention rassemblant de nombreuses parties prenantes » et à diversifier les profils, notamment de genre, des équipes engagées dans la prévention des violences faites aux femmes.
Lors de notre dernière conférence triennale Sécurité, Démocratie et Villes (2024, Bruxelles), nous avons organisé une session sur les violences sexistes et sexuelles. Les participants ont souligné que l’amélioration de la détection, de la prévention et de l’assistance aux victimes de violences sexistes et sexuelles nécessite de larges partenariats locaux, et qu’autant les victimes que les auteurs doivent être associés aux mesures de prévention.
L’Efus s’engage à adopter dans toutes ses activités une perspective féministe et fondée sur le genre pour répondre aux besoins des villes de son réseau.
Former les agents de police
Il est notamment important de former tous les acteurs concernés, en particulier les agents de police, à la prise en charge des victimes et à la compréhension de la nature spécifique de cette violence, y compris le cycle de la violence et les différents types d’abus (psychologique, physique, virtuel, économique, etc.). Les participants à cette session ont également souligné qu’il est important que les femmes soient plus nombreuses, à tous les niveaux de hiérarchie, dans le personnel des organismes intervenant en matière de sécurité, non seulement la police mais aussi les autres services publics et acteurs de la prévention.
Un exemple est celui du gouvernement régional de Catalogne en Espagne, qui s’efforce d’augmenter le nombre de femmes au sein de la police régionale (les Mossos d’Esquadra) dans le cadre du travail mené par le réseau EU-POLNET des forces de police locales et régionales européennes.
Quatre décennies de travail
L’Efus travaille sur la question des violences fondées sur le genre depuis sa création, en 1987. Malheureusement, ce phénomène reste aussi répandu aujourd’hui qu’à l’époque, même si l’on peut dire qu’il y a eu depuis une prise de conscience à tous les niveaux du gouvernement et de la société. L’Efus s’engage à adopter dans toutes ses activités une perspective féministe et fondée sur le genre pour répondre aux besoins des villes de son réseau.
Au fil des ans, nous avons travaillé avec nos villes membres sur divers aspects des violences sexistes et sexuelles, de la maltraitance des femmes âgées à la traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle. L’un des projets les plus récents dont nous avons été partenaires est SHINE (2020-2023), qui visait à créer une culture commune parmi les acteurs de la vie nocturne et à leur donner des outils appropriés pour prévenir le harcèlement sexuel dans les lieux de vie nocturne.
Pratiques locales inspirantes
La sécurité des femmes dans la vie nocturne est une question qui préoccupe bon nombre de nos villes membres, telles que Nice et Bordeaux (France), qui ont toutes deux récemment mis en place le dispositif Demandez Angela, par lequel est établi un réseau de bars, restaurants ou commerces qui s’engagent à assister les victimes de harcèlement. La ville de Nice a mis en œuvre une version adaptée de ce programme dans le cadre du projet IcARUS dirigé par l’Efus entre 2020 et 2024.
Ces dernières années, de nombreux travaux ont examiné comment mieux adapter les espaces publics urbains aux besoins de sécurité spécifiques des femmes et des filles.
L’approche genrée de la sécurité urbaine
Au-delà des pratiques locales visant à lutter directement contre les manifestations de violence sexiste et sexuelle et à aider les victimes, il est intéressant, et nécessaire, d’aborder toutes les questions de criminalité et de sécurité urbaine avec une perspective de genre. Cette approche gagne du terrain parmi les décideurs politiques dans toute l’Europe (et au-delà), et l’Efus espère qu’elle se généralisera.
Les autorités locales peuvent contribuer à la prévention en adoptant une approche de genre dans toutes leurs politiques et programmes de sécurité, ce qui implique d’examiner les questions du point de vue et de l’expérience vécue par les femmes et de les inclure dans la prise de décision à tous les niveaux.
La protection de l’espace public est un domaine où la perspective de genre apporte de nouvelles idées. Ces dernières années, de nombreux travaux ont été consacrés à la manière dont les femmes et les filles peuvent se sentir en sécurité ou non dans la ville et les espaces publics, et à la manière dont ceux-ci peuvent être adaptés à leurs besoins spécifiques, par exemple par le biais de l’éclairage public et de l’aménagement urbain. La pratique des marches exploratoires, où des femmes arpentent la ville la nuit et notent les lieux où elles se sentent en insécurité et pourquoi, est désormais utilisée par les urbanistes et les services municipaux.
Une approche « toute la société »
Ces quelques exemples, qui ne reflètent que partiellement la richesse des pratiques de prévention mises en œuvre par nos villes membres et bien d’autres, montrent qu’éliminer le fléau des violences sexistes et sexuelles demande une approche « toute la société ». Cela signifie que tout le monde, partout, à tous les niveaux du gouvernement et de la société, doit inclure une approche de genre dans tous les aspects de la sécurité urbaine, à la fois dans les espaces physiques et numériques. Plus que jamais, l’Efus s’engage à jouer pleinement son rôle pour que les femmes et les filles puissent jouir de la sécurité et de la liberté dans nos villes.
* Voir : Institut Alan Turing, How Technology can enable Violence Against Women and Girls; Rutgers International, “Blessing and a curse”: tech boom fuels online violence against women and girls, often leading to physical violence; Nations Unies, ‘Anxiety, paranoia, fear’: The consequences of digital violence against women
À lire, consulter, écouter
Efus
> Notre podcast sur le genre et la sécurité urbaine (18 minutes) avec Barbara Holtmann, experte associée de l’Efus sur les questions de genre et directrice de l’ONG Fixed Africa, et Àngels Vila Muntal, directrice du service de prévention de la criminalité de la ville de Barcelone (Espagne)
> Entretien avec Barbara Holtmann sur le genre et la sécurité urbaine
> Le projet IcARUS, que l’Efus a mené entre 2020 et 2024, a adopté l’approche de genre dans toutes ses activités. Les partenaires ont publié une fiche de synthèse qui explique cette approche
Union européenne
> Mesures prises par l’UE pour mettre fin à la violence à l’encontre des femmes
> Agences des droits fondamentaux (FRA), EU gender-based violence survey – Key results (en anglais seulement)
> Eurostat: données sur les violences de genre dans l’UE
Photo : ©iStock – Xavier Lorenzo
