Le cinquième webinaire du projet PRACTICIES était une présentation de l’outil « Digital Me » développé par l’association bruxelloise MAKS (Media Actie Kuregem) pour encourager les jeunes de deux quartiers de Bruxelles à s’exprimer au travers d’une « histoire digitale » (digital storytelling). La présentation était donnée par Veronique de Leener, fondatrice et directrice de MAKS.
> Deux quartiers défavorisés de Bruxelles
Fondée en 1999, MAKS oeuvre pour « développer les talents et les compétences » des habitants de Cureghem et Molenbeek en « élaborant des méthodes innovantes pour encourager les jeunes et les moins jeunes à développer leurs aptitudes numériques ». Ces deux quartiers, où le taux de chômage des jeunes atteint 52% et où la moitié de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, ont aussi vu un certain nombre de jeunes rejoindre Daech en Syrie et en Irak.
> Raconter une histoire personnelle en moins de trois minutes
Le principe du digital storytelling est de raconter une histoire ou un point de vue personnel sur un format vidéo de une à trois minutes que les jeunes sont ensuite encouragés à partager aussi largement que possible.
La recherche – notamment les travaux de Lorenzo Vidino, directeur du programme sur l’extrémisme à l’Université George Washington aux États-Unis – montre que les recruteurs extrémistes exploitent des « déclencheurs » émotionnels comme la revanche ou la frustration. Ils s’appuient sur la recherche d’identité et d’appartenance des jeunes à qui ils offrent l’occasion de « prendre une revanche sur les injustices qu’ils vivent ». Le digital storytelling est une réponse qui s’appuie également sur l’émotion en permettant aux jeunes potentiellement visés par les recruteurs extrémistes de formuler leurs griefs, d’affirmer leur identité, de s’exprimer et d’être entendus. « Le but n’est pas de moraliser mais de donner la parole à des jeunes et d’écouter ce qu’ils ont à dire », remarque Veronique de Leener.
> Les avantages du « digital storytelling »
La méthode du « digital storytelling » est une approche émotionnelle, qui permet aux jeunes de se construire une identité. Ceci est particulièrement intéressant pour les jeunes issus de plusieurs cultures, à qui la méthodologie développée par MAKS permet de réfléchir à leur identité et leurs origines et de leur donner du sens. C’est un processus individuel (chacun raconte une histoire ou exprime un point de vue personnel, fondés sur sa propre expérience), au cours duquel le jeune est encouragé à exprimer ses opinions et à utiliser son esprit critique (par exemple pour dénoncer des injustices). Enfin, c’est une occasion pour les jeunes d’éprouver du bien-être et de la fierté une fois que leur vidéo est prête et diffusée autour d’eux.
> Des outils pour favoriser l’expression
MAKS a développé une méthodologie ludique et pédagogique pour amener les jeunes à raconter une histoire : « l’étoile de l’identité » où chacune des branches représente un thème, tel que famille, ou la nationalité/religion/origine, ou les héros/habits/animaux préférés ; le « blason » où le jeune est appelé à formuler sa devise, ses valeurs, ses forces, les symboles qui comptent pour lui, et sa mission, ou bien encore le « cercle de conteurs », où le jeune s’exprime en groupe sans que personne ne puisse critiquer ou rire.
> Des moyens simples et faciles d’usage
Les vidéos sont aisées à produire : il n’y a pas de tournage, seules des photographies sont utilisées (soit trouvées sur internet, soit personnelles montées en séquences. Puis le ou la jeune ajoute sa voix off et, s’il ou elle le souhaite, de la musique. Ceci se fait aisément avec un ordinateur ou une tablette et des logiciels largement répandus et faciles d’usage.
> Des messages forts
Veronique de Leener a présenté plusieurs vidéos. Dans la première, l’auteur raconte l’histoire fictive de trois jeunes qui participent à un attentat et ensuite « vont manger du porc et boire du vin au McDo », ce qui montre qu’ « ils ne sont pas de bons musulmans ».
Dans une autre, un jeune raconte comment, avec un père européen et une mère africaine, il n’est « ni noir ni blanc » et a du mal à savoir qui il est parce que les noirs le trouvent trop blanc, et les blancs trop noir. « J’en conclus que je suis ni noir, ni blanc, ni métisse mais juste un humain comme vous tous, un citoyen du monde ».
Dans une troisième, une jeune fille dénonce la politique d’immigration des pays européens et le chômage. « Si la société d’aujourd’hui donnait à tous les jeunes un emploi, peu importe leur origine, il n’y aurait pas toute cette horreur en Europe », dit-elle en faisant référence aux attentats. « C’est pour cela qu’il y a des terroristes : ce sont des personnes rejetées par la société qui veulent se venger ».
> Une « évaluation active »
À l’issue de chaque atelier (dont la longueur peut varier d’une demi-journée à une journée entière), MAKS réalise une « évaluation active » où les jeunes participants partagent ce qu’ils ont retiré de l’expérience.
« Les cercles de conteurs permettent de s’exprimer sans dispute ». « C’est la première fois qu’on a pu s’exprimer sur notre identité ». « On s’est bien amusés même si le thème était difficile ». « Je me rends compte que j’ai quelque chose à raconter ». « Je suis capable et fière de ce que j’ai fait ». Autant de phrases qui résument la majorité des réactions des jeunes raconteurs digitaux.
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