Webinaire PRACTICIES nº1 : Les jeunes Européens et le radicalisme

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> Le panel

Le panel réunissait Séraphin Alava de l’Université de Toulouse-Jean Jaurès, coordonnatrice du projet, Nicolas Becuwe de Kantar, Dounia Bouzar de Bouzar Expertises, Yanis Lammari de Youth ID, Moritz Konradi et Martí Navarro Regàs de l’Efus.


> Les objectifs et principes du projet

Séraphin Alava a introduit le séminaire en résumant les objectifs du projet PRACTICIES, qui « a démarré en 2017 dans un contexte où le danger du terrorisme était très fort ». Le projet était fondé sur trois principes : 1) comprendre et expliquer les processus de radicalisation, 2) adopter une démarche holistique qui prenne en compte toutes les dimensions de la radicalisation, c’est-à-dire « la radicalisation sociale, humaine, affective et familiale », 3) l’interdisciplinarité c’est-à-dire les liens avec d’autres projets européens, les échanges entre villes et le développement d’outils concrets. « À présent il faut passer la main aux acteurs de terrain : les municipalités tout d’abord mais aussi les éducateurs et autres intervenants sur le terrain », a-t-il conclu.


> Les jeunes Européens et la radicalisation

Nicolas Becuwe a ensuite présenté l’enquête paneuropéenne menée par Kantar sur la perception de l’extrémisme par les jeunes *.
« Les résultats sont assez inquiétants », a-t-il dit en soulignant qu’un jeune Européen sur deux pense que la radicalisation violente est répandue dans son pays et que 83% estiment que ce phénomène va perdurer voire s’intensifier dans les années à venir.
L’enquête a aussi révélé qu’un jeune Européen sur quatre connaît ou côtoie des personnes qu’il considère comme radicalisées, qu’une majorité est exposée à des discours de haine (plus de 70% en France par exemple) et qu’ils sont méfiants des médias traditionnels.


> Aspects psychologiques de la radicalisation

Dounia Bouzar a partagé quelques uns des enseignements tirés du travail d’accompagnement qu’elle a mené avec son équipe pendant deux ans, en France, auprès de 450 familles affectées par la radicalisation d’un proche.
« Il n’existe pas un facteur de radicalisation. Il s’agit plutôt d’un mécanisme au cours duquel des vulnérabilités personnelles se conjuguent avec des facteurs macros comme la désespérance sociale, la recherche de sens ou la discrimination », a-t-elle souligné. Ainsi, 70% des djihadistes ont été victimes de violence ou autre traumatisme ; 48% ont été diagnostiqués comme étant dépressifs ; 35% ont connu un décès brutal dans leur entourage, et 23% sont victimes d’addiction (drogue ou alcool).
Il faut donc prendre en compte tous ces facteurs lorsqu’on travaille à la réhabilitation ou au désengagement des extrémistes. Il est intéressant de noter que les plus fragiles psychologiquement, et donc plus aisément manipulables, sont paradoxalement ceux qui ont le plus de chance de sortir du radicalisme précisément parce qu’ils sont plus perméables psychologiquement, a-t-elle noté.


> Donner des projets aux jeunes, sur le terrain

Yannis Lammari a ensuite partagé les enseignements qu’il a tirés de son expérience sur le terrain comme animateur d’une association intervenant auprès de jeunes des quartiers défavorisés, en France.
Il existe un paradoxe qui est frappant, a-t-il dit : d’un côté, les jeunes ont de grandes aspirations notamment en matière d’équité sociale et de lutte contre le changement climatique, mais d’un autre ils ne pensent pas être en capacité de changer le monde et se sentent impuissant. C’est dans cette dichotomie que le radicalisme peut parfois se loger.
Yannis Lammari estime qu’il convient d’être beaucoup plus présent sur le terrain mais constate que certains acteurs de terrain hésitent à intervenir sur les questions de radicalisation parce qu’ils s’estiment mal outillés, notamment en matière de religion et de racisme. « Les associations, dont la nôtre, ont du mal à travailler sur les questions de laïcité, de religion, de Shoah, de racisme et d’antisémitisme en France ».
Un autre aspect intéressant à développer, a-t-il dit, est l’éducation aux médias, notamment numériques, pour développer la résistance des jeunes aux fake news et de façon plus générale aux stéréotypes diffusés en ligne.


> Un travail pluridisciplinaire sur la jeunesse

En conclusion, Séraphin Alava a souligné que « la jeunesse se méfie mais a envie de croire en quelque chose ». Pour éviter que certains ne cèdent aux promesses de monde meilleur avancées par le radicalisme, il convient de « renouveler le contrat social qui lie les jeunes à la société et leur donner une véritable place dans notre société ». Cela nécessitera « beaucoup de travail transdisciplinaire ».


* Enquête réalisée en ligne du 28 février au 21 mars 2018 dans 12 pays européens (Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark, Espagne, France, Grèce, Irlande, Italie, Pologne, Portugal, République tchèque), avec un total de 12 013 personnes interrogées ( 1000 par pays).


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