Webinaire PRACTICIES nº2 : La radicalisation au travers du langage : répondre à la radicalisation et aux discours de haine

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> Le panel

Le deuxième webinaire du projet PRACTICIES était consacré aux résultats du « work package » sur les contre-discours et les discours alternatifs et sur les conditions de succès ou d’échec des stratégie de prévention alternatives. Le panel était composé d’une chercheuse, Valentina Dragos, de l’Office National d’Études et de Recherches Aérospatiales (ONERA), d’une cadre municipale, Diana Schubert, de la Ville d’Augsbourg (Allemagne), et d’un praticien, Robert Örell du Radicalisation Awareness Network (RAN) de l’UE, également directeur d’EXIT USA.


> Comprendre les processus de communication du discours radical

Valentina Dragos a expliqué que sa recherche dans le cadre du projet PRACTICIES a consisté à « comprendre les processus de radicalisation qui promeuvent ou limitent la propagation de discours radicaux ». En d’autres termes, « que se passe-t-il dans le cyberespace and en quoi cela soutient les processus de radicalisation ? »
La recherche menée par l’ONERA a porté sur la propagande en ligne et ses dynamiques, c’est-à-dire comment les gens interagissent avec les contenus pour les faire vivre. Valentina Dragos a souligné qu’alors que la propagande était il y a quelques années fondée sur des messages violents, elle a maintenant évolué vers une « offre » plus modérée et plus attractive. « Aujourd’hui, la propagande cible les femmes et leur désir de fonder une famille. Elle offre aux gens l’opportunité de construire quelque chose, de faire partie d’une communauté et de se battre ensemble pour quelque chose », a-t-elle remarqué. Cette évolution, particulièrement notoire dans la propagande islamiste, rend celle-ci encore plus dangereuse parce qu’elle attire un public plus nombreux.


> Examiner les processus sous-jacents des discours extrémistes pour améliorer la prévention

Étudier et comprendre les processus sous-jacents des discours et de la communication extrémistes est un travail minutieux qui permet d’améliorer les stratégies de prévention de la radicalisation. Il permet d’identifier les caractéristiques les plus communes de la propagande, et les canaux et sources les plus souvent utilisés. Il permet aussi de détecter les changements de discours et comment le public y réagit. De plus, surveiller et contrôler les contenus extrémistes améliore les capacités de réponse des autorités, notamment lorsqu’elles suppriment de tels contenus (tout en étant bien sûr vigilantes sur le respect de la liberté d’expression).
Valentina Dragos a aussi signalé les carences qu’il reste à combler, qu’elles soient techniques (notamment les méthodes d’analyse des contenus en ligne et l’utilisation de bases de données appropriées), méthodologiques (définir sur quoi portera notre recherche et comment nous souhaitons la mener), et légales et sociales (la question de la légalité des contenus autres que les discours de haine, par exemple).


> « L’énorme défi » de la polarisation pour les autorités locales

Intervenant au nom de la ville bavaroise d’Augsbourg (300 000 habitants), Diana Schubert a évoqué l’extrémisme de droite et comment il affecte la vie à Augsbourg, où 50% de la population est d’origine immigrée. Bien qu’il soit « assez difficile » de mesurer l’impact des discours radicaux sur la société, « nous avons un indicateur très clair, qui est le nombre de conseillers municipaux de partis d’extrême-droite », a-t-elle dit. À Augsbourg, les conseillers membres du parti d’extrême-droite AfD (Alternative für Deutschland / Alternative pour l’Allemagne) sont passés de un à quatre à la suite des élections locales de mars 2020. « Ceci montre clairement qu’il existe à Augsbourg un terreau fertile pour la radicalisation. La polarisation est aussi un énorme défi. Comment surmonter cette polarisation, cette haine qui détruit la cohésion sociale à Augsbourg ? »


> Créer des espaces où les gens peuvent faire connaissance

Diana Schubert pense que notre peur de ceux que nous ne connaissons pas alimente la polarisation, et que les autorités locales peuvent agir pour limiter celle-ci en « créant des espaces et des opportunités pour que les gens se rencontrent, autant dans la vie réelle qu’en ligne, et apprennent à se connaître ».
Une stratégie mise en place à Augsbourg est la création de campagne de discours alternatifs. Ainsi, la ville était partenaire du projet Local Voices (stratégies de communication locales pour prévenir l’extrémisme) (juin 2017 – décembre 2018), mené par l’Efus, dont l’objectif était d’élaborer des campagnes de communication en ligne et locales. Augsbourg est aussi partenaire du projet LOUD (Local Young Leaders for Inclusion) mené par l’Efus (janvier 2019 – janvier 2021), qui cherche à créer des environnements inclusifs pour les jeunes afin d’éviter qu’ils ne dérivent vers l’intolérance et l’extrémisme.
« La polarisation est un problème très important pour nous. Nous n’y sommes pas encore. Il y a une petite lumière au bout du tunnel mais il reste beaucoup à faire et, comme toujours, cela dépend en partie des ressources humaines et financières », a-t-elle conclu.


> Groupe interne et groupe externe

Robert Örell du RAN a ensuite évoqué la nécessité de comprendre les processus de radicalisation et les idéologies qui les alimentent. « Ce processus est fondé sur l’idée du groupe interne et du groupe externe », c’est-à-dire la mentalité « nous et eux ». « Les gens qui rejoignent ces groupes cherchent un sentiment de communauté, de pouvoir, la croyance qu’ils peuvent changer les choses, pas seulement pour eux-mêmes mais aussi pour la société dans son ensemble », a-t-il dit.
Il a souligné l’existence de « loups solitaires » tels que les extrémistes de droite à l’origine des attentats de Norvège (juillet 2011) et Christchurch en Nouvelle Zélande (mars 2019). Ces individus font souvent référence à d’autres militants solitaires et beaucoup s’inspirent de deux livres, The Turner Diaries (1978) et Hunter (1989) (tous deux de l’auteur américain William Luther Pierce sous le pseudonyme d’Andrew McDonald), qui sont intéressants à lire lorsqu’on cherche à comprendre les processus de radicalisation.
Comment prévenir de tels phénomènes et réhabiliter les extrémistes ? Robert Örell a parlé du travail mené par Exit Suède avec les « anciens » qui ont renoncé au radicalisme. « Qu’est-ce qui crée le changement ? Il est important d’éviter de juger ces individus lorsqu’on les rencontre pour la première fois », a-t-il dit. « Il est aussi important d’établir un dialogue informel et de trouver des points d’intérêt communs afin de connecter avec eux ».


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