« Le Manifeste résume les approches, les enseignements et les bonnes pratiques du réseau » – Radim Bureš, directeur adjoint des services de probation de la République tchèque


BURES Radim

Radim Bureš, directeur adjoint des services de probation de la République tchèque, et directeur des programmes de Transparency International

Sur quels thèmes avez-vous principalement travaillé avec l’Efus ?

J’ai surtout travaillé avec l’Efus dans deux domaines : les audits de sécurité et la prévention de la violence dans le sport. En ce qui concerne les audits locaux de sécurité, même s’ils étaient déjà utilisés à l’époque en République tchèque, l’approche globale décrite et promue par le projet Audits a été très utile, au point que j’ai d’ailleurs traduit la publication en tchèque et l’ai disséminée en République tchèque en coopération avec l’Institut tchèque de criminologie et de prévention sociale.

En ce qui concerne la prévention de la violence dans le sport, j’espère que mon expertise, notamment en tant que président du Comité permanent de la Convention européenne sur la violence et les débordements des spectateurs lors de manifestations sportives et notamment de matchs de football, a été utile au projet européen GOAL mené par l’Efus de 2009 à 2012. L’approche de l’Efus est unique dans le sens où il promeut et défend le rôle des municipalités et de leurs représentants politiques en matière de prévention de la criminalité.

L’Efus est fondé une idée originale que la prévention est une approche efficace face à la criminalité. Cette vision est-elle répandue en République tchèque ?  

Nous avons fondé la mise en place du système de prévention tchèque sur cette conviction la prévention est une approche efficace contre la criminalité, et c’est donc avec satisfaction que j’ai pu constater que l’Efus partageait cette philosophie.

Il y a quelques années, cela relevait plus d’un credo que d’une approche fondée sur des données probantes. Mais les bénéfices de l’approche préventive sont maintenant bien établis en République tchèque comme dans beaucoup d’autres pays et de fait, la criminalité baisse, notamment les délits contre la propriété et la délinquance juvénile qui sont justement les domaines ciblés en priorité par la prévention.

De plus, en ma qualité de directeur adjoint des services de prévention de la République tchèque, je suis directement aux prises avec les difficultés et les défauts du système pénal traditionnel, ce qui renforce ma certitude que la prison doit être une réponse de dernier ressort. Pour autant, si beaucoup a été accompli en matière de prévention primaire et secondaire, il reste encore à développer un véritable système de prévention de la récidive.

Quelle est selon vous l’importance du niveau local en matière de gouvernance des politiques de sécurité urbaine?

Il était clair, dans les pratiques de prévention tchèques, que le gouvernement ou la police seuls ne peuvent répondre qu’à une très petite partie de la criminalité. Le gouvernement tchèque a ainsi eu la sagesse d’établir, en 1995, un fonds pour la prévention de la criminalité à l’échelon local, permettant aux collectivités d’élaborer des actions et des mesures sur la base de leur connaissance du terrain. L’alliance des connaissances et des acteurs locaux avec un système de soutien financier au niveau central semble être la meilleure approche pour la prévention.

Cependant, le niveau local ne doit pas être réduit aux seuls aspects « techniques » de la prévention – la police municipale, les fonctionnaires locaux et les associations. Les élus locaux ont un rôle très important parce qu’ils sont les moteurs des activités de prévention et qu’ils décident des politiques locales en la matière. De plus, ils peuvent écouter les besoins des citoyens et s’en faire l’écho. C’est d’autant plus important que la peur du crime peut être aussi nuisible que le crime lui-même. Les processus politiques peuvent très bien identifier les facteurs à l’origine d’un sentiment d’insécurité, dans telle ou telle localité, et prendre les mesures appropriées.

Quels sont les bénéfices de la coopération européenne en matière de prévention ?

Alors que la plupart des mesures de prévention sont mises en place au niveau local, il y a clairement un besoin d’échange d’expériences aux niveaux international et européen. La question clé est de promouvoir les bonnes pratiques pour ne pas « réinventer la roue » (indépendamment de la difficulté de présenter les « bonnes pratiques », dans toutes leurs nuances, ce qui peut influer sur leurs résultats concrets).

Mais le soutien mutuel et les actions communes envers les gouvernements nationaux et les institutions européennes sont tout aussi importants. Lorsque des villes similaires présentent leurs arguments ensemble, elles démontrent les bienfaits de la prévention, davantage même que les données probantes. Et même si les mesures de prévention sont souvent locales, elles doivent aussi être appuyées par la législation nationale ou internationale (par exemple en matière de drogues, de données personnelles, de vidéosurveillance, etc.).

L’Efus a ainsi une position unique en ceci qu’il se concentre sur le niveau local et la coopération entre les administrations locales tout en coopérant avec les institutions nationales et supranationales. Il est important que les techniciens locaux et les décideurs politiques échangent des informations pratiques et des connaissances sur « ce qui marche en matière de prévention locale ». L’Efus est une excellente plateforme pour cela.

Enfin, l’action du Forum est complémentaire au Réseau européen de prévention de la criminalité (REPC), qui rassemble des représentants des organismes centraux de prévention des États membres. À l’échelle internationale, on peut aussi mentionner la bonne relation de travail entre l’Efus et le Centre international de prévention de la criminalité (CIPC), basé au Canada.

Quels bénéfices avez-vous retirés de votre travail avec l’Efus ?

Le premier est d’être en contact avec des acteurs de tous horizons. Lors des réunions et des projets, l’Efus rassemble une communauté mixte de techniciens, chercheurs, élus locaux, experts internationaux et fonctionnaires. C’est l’une des valeurs ajoutées de l’Efus, parce que tous ces participants apportent leurs différents points de vue et enrichissent les débats. De plus, ils s’influencent mutuellement, ce qui permet d’éviter le dogmatisme. De même, l’Efus travaille sur un large éventail de thèmes, d’idées et d’approches. Il le fait de façon pragmatique et là encore, sans dogmatisme aucun.

Un autre point intéressant est que le respect des droits humains et des libertés fondamentales est au coeur de l’approche de l’Efus. C’est particulièrement important en ce qui concerne les droits et les besoins des victimes et l’inclusion de ceux-ci dans une stratégie globale de prévention. D’autres aspects qui y sont liés sont l’équilibre entre prévention efficace et respect de la vie privée et de la personne. Enfin, last but not least, cela implique aussi de toujours prendre en compte les besoins des personnes ou groupes les plus vulnérables.

Quels projets ou initiatives vous ont paru particulièrement enrichissants ?

La révision régulière du Manifeste est une grande valeur ajoutée. Il résume les approches, les leçons apprises et les bonnes pratiques non seulement comme des enseignements à utiliser pour développer la prévention mais aussi comme des outils politiques importants pour promouvoir la prévention à l’échelle locale. C’est une tâche qui n’est jamais terminée parce que les élus changent en fonction des échéances électorales, ce qui signifie qu’il faut répéter encore et toujours certaines vérités.

Quelles sont selon vous les principales tendances qui marqueront la prévention à l’avenir ?

Étant donné mon rôle actuel dans les services de probation tchèques, je m’intéresse particulièrement à la prévention de la récidive. Bien qu’il y ait déjà une bonne coopération entre les services locaux de probation et les municipalités, on pourrait beaucoup mieux utiliser et développer les sanctions d’intérêt général locales et la prévention de la récidive.

De façon générale, nous assistons à une évolution vers une baisse de la criminalité contre les biens et une hausse de celle liée aux drogues et, de plus en plus, de la cybercriminalité. En ce qui concerne cette dernière, nous n’avons pas encore trouvé de mesures de prévention efficaces, que ce soit au niveau local ou en matière d’éducation.

Une autre thématique clé est la crise de la migration et les évolutions politiques en matière de terrorisme, de sentiment d’insécurité et de zones « no-go ». La prévention de la radicalisation n’est qu’un aspect de cette problématique. Il convient de développer de nouvelles méthodes et de partager celles qui existent concernant le travail dans les zones ghettoïsées, avec les communautés qui vivent fermées sur elles-mêmes, et les réponses à donner à la peur du crime.

Enfin, un autre domaine important est le financement des actions de prévention. Une stratégie globale de prévention doit être liée aux services sociaux et d’assistance et améliorer le bien-être des citoyens. Mais les politiques d’austérité mises en place après la crise financière de 2008 ont mis les autorités locales dans une position difficile à l’heure de choisir où investir des budgets réduits. Par conséquent, il est davantage nécessaire aujourd’hui, lorsque l’on cherche à développer la prévention, de prouver son efficacité et sa rentabilité économique.

[1] Guide sur les audits locaux de sécurité (Efus 2007) – disponible gratuitement pour les membres de l’Efus et pour une somme modique pour les non-membres. Merci de nous contacter si vous souhaitez obtenir un exemplaire : contact@efus.eu

[2] GOAL : prévention de la violence dans le sport – Guide pour les villes (Efus 2012)