Josep Lahosa a été directeur des services de prévention de Barcelone de 1986 à 2017 et à ce titre l’un des fondateurs du Forum européen et du Forum espagnol, et délégué général de ce dernier.
Représentant la ville de Barcelone, vous avez contribué à la création du Forum européen pour la sécurité urbaine (Efus) en 1987 et joué un rôle déterminant dans son évolution jusqu’à ce jour. À l’origine, pourquoi le projet du Forum vous intéressait-il ?
Le Forum s’est créé pour aborder la gestion de la ville et traiter les aspects, notamment la délinquance, qui peuvent générer des tensions ou des conflits. Dès le départ, il s’intéresse aux aspects urbains, sociaux, culturels, de santé, ethniques ou d’appartenance à des minorités vulnérables pour se concentrer sur la prévention des conflits. De plus, il avait une vision originale pour l’époque, celle que les autorités locales européennes devaient prendre le leadership dans la définition des politiques locales de prévention de l’insécurité.
Quel a été l’apport du Forum dans votre pratique professionnelle à la mairie de Barcelone et vice versa ?
Il nous a apporté un espace partagé pour transférer des connaissances, des expériences et des pratiques de gestion en matière de prévention de l’insécurité urbaine entre professionnels de disciplines, villes et pays différents.
La sécurité urbaine est l’une des politiques publiques les plus complexes, tant en raison des aspects multiples qu’elle touche (urbanisme, jeunesse, population migrante, minorités, grands événements, genre, seniors, etc.) que de la variété des acteurs (police, agents sociaux, éducateurs de rue, personnel sanitaire, urbanistes, etc.). L’Efus a permis de partager des regards et des expériences différents sur la réalité urbaine, ce qui a apporté une valeur ajoutée d’un potentiel énorme à la définition des politiques publiques urbaines, autant en Europe que dans la sphère internationale.
À l’inverse, Barcelone a offert à l’Efus, au long de trois décennies, un engagement permanent en tant que membre ainsi que son expérience, sa façon d’envisager la gestion publique de manière transversale, une approche de la gestion des réalités urbaines avec de multiples apports. Barcelone a appris tôt que la construction des politiques publiques nécessite l’engagement de différents acteurs, des universitaires, du secteur tertiaire et des organisations de la société civile.
Quel est selon vous l’apport spécifique de l’Efus en matière de politiques publiques de sécurité ?
L’une des innovations les plus importantes apportées par l’Efus depuis sa création est la recherche d’une approche pluridisciplinaire aux défis et problèmes des sociétés urbaines européennes, et la recherche et la production de propositions de consensus et d’utilité pour des villes de différentes cultures juridiques, administratives et organisationnelles.
De plus, l’Efus a réussi à inscrire à l’agenda politique européen et international la nécessité et la volonté politique des autorités locales d’assumer des compétences en matière de sécurité urbaine. Ça a été un pas en avant très important ! En effet, dans les années 80, les pouvoirs locaux ont revendiqué et réussi à entrer dans un espace de compétences que les gouvernements des États considéraient – et considèrent toujours – comme leur prérogative: la gestion de la sécurité urbaine. L’Efus et les villes qui ont mis en marche ce processus ont réussi à différencier le débat entre la sécurité des États et celle des citoyens, et établir qu’en ce qui concerne la dernière, les maires devaient avoir des compétences puisque cette sécurité fait partie intrinsèque du bien-être des habitants.
Quelles sont selon vous les grandes tendances d’avenir en matière de sécurité urbaine ?
Je crois que la tendance au conflit sera influencée par l’accroissement de la complexité sociale et culturelle des villes. L’augmentation de l’immigration économique, sociale et politique alliée au vieillissement de la population européenne va réduire les niveaux de tolérance et accroître les niveaux d’intransigeance et de xénophobie. Ces aspects se combineront avec la réduction de la capacité de cohésion des institutions classiques de socialisation – famille, syndicat, organisation politiques… – et cela pourrait créer des tensions plus fortes dans les villes. C’est pourquoi l’Efus doit continuer travailler sur la prévention des conflits et l’amélioration des conditions de coexistence au niveau local.