Paris, France, décembre 2020 – Le projet BRIDGE (Renforcer la résilience pour réduire la polarisation et la montée de l’extrémisme) mené par l’Efus a tenu son troisième séminaire consacré à « la réponse au cercle vicieux de l’agitation extrémiste de droite et religieuse », le 26 novembre en ligne.
Présenté par l’expert BRIDGE et spécialiste de l’islam Götz Nordbruch, l’événement a réuni les membres du consortium du projet ainsi que des représentants de municipalités européennes, des acteurs de la sécurité urbaine et des spécialistes de la prévention de la radicalisation.
Le séminaire s’est achevé par une présentation des outils et méthodes développés par un autre projet ISF-P : CHAMPIONs.
Similarités entre l’extrémisme de droite et religieux
Götz Nordbruch a souligné qu’il existe des similarités entre l’extrémisme de droite et religieux et a cité une étude de l’Institut pour la Démocratie et la Société Civile de Iéna (Allemagne) à partir de données réunies dans cinq pays démocratiques. Les résultats montrent que les attentats d’extrême-droite de ces dernières années ont eu lieu à peu près au même moment que les attentats djihadistes.
La conception du monde de ces deux courants extrémistes est similaire sur bien des points, notamment la pensée « eux et nous » et le fait que les membres de ces groupes se définissent exclusivement comme « un musulman pieux » ou « un nationaliste/suprémaciste blanc ». Dans les deux camps, on se présente comme victime de la répression du gouvernement ou « des élites » et on dénonce les médias « gauchistes » et la société occidentale « libérale » et du « laissez faire ».
Remplir des carences dans le discours public
Götz Nordbruch a donné plusieurs exemples de la façon dont le cercle vicieux de l’agitation extrémiste est alimenté. Les extrémistes de droite et djihadistes exploitent des carences dans le discours public parce que les médias modérés et d’autres acteurs publics minimisent certains incidents, ou ne les caractérisent pas pour ce qu’ils sont, ou encore n’agissent pas face aux courants sous-jacents tels que le racisme ou l’islamophobie. Un exemple est le meurtre en juillet 2009 d’une femme musulmane dans un tribunal de Dresde (Allemagne) par le prévenu raciste, contre lequel elle avait porté plainte justement pour racisme. Le débat public qui a suivi s’est focalisé sur la sécurité dans les tribunaux et a omis les motifs racistes et islamophobes du prévenu. Les extrémistes islamistes ont utilisé cette affaire pour faire de la propagande.
Comment stopper le cercle vicieux de l’agitation extrémiste ?
Götz Nordbruch a présenté des exemples et donné des pistes sur la façon dont on peut prévenir ou stopper le cercle vicieux de l’agitation extrémiste. Un facteur important est la façon dont le discours public, notamment les médias, présente les faits et le contexte. Ainsi, il est très important, lorsque l’on fait référence à un discours ou un incident, de l’identifier précisément, par exemple comme un discours/crime homophobique ou raciste.
Un autre facteur clé est la réaction des membres du gouvernement, qui doivent promouvoir l’inclusivité et non pas la confrontation, comme l’a fait la Première ministre de Nouvelle Zélande, Jacinda Ardern, après les attentats de Christchurch en 2019.
De même, il est important de souligner que nous avons tous des identités multiples, contrairement à la « pureté » défendue par les extrémistes (un musulman pieux ou un suprémaciste et rien d’autre). Nordbruch a donné l’exemple du Maire de Londres, Sadiq Khan, qui se présente comme musulman, européen, londonien, britannique, un mari, etc. Revendiquer notre identité multiple est une manière de déconstruire la polarisation.
Former la police, travailler avec les jeunes…
Lors du débat qui a suivi, les participants ont souligné la nécessité de changer la culture de la police et de former les agents, de sanctionner les fautes de comportement des policiers, et d’améliorer leurs relations avec les citoyens.
Ils ont aussi rappelé l’importance du travail avec les jeunes afin de distinguer la provocation de la protestation et de la propagande extrémiste.
… et s’attaquer au racisme
Les participants ont aussi souligné la nécessité de prendre en compte l’expérience des jeunes musulmans face à la discrimination (par exemple lorsque des musulmanes ne peuvent accéder à des services publics parce qu’elles sont voilées). Néanmoins, ils sont tous convenus que bien que l’extrémisme persiste, le discours public est devenu plus ouvert et inclusif ces dernières années, ce qui favorise la prévention du radicalisme violent.
Contrer les fake news
Les participants sont tous convenus que les autorités locales peuvent jouer un rôle important pour prévenir les rumeurs et les fake news au niveau local, ce qui joue beaucoup dans la prévention ou la réduction de la polarisation.
Échange d’expérience et entre projets frères
La dernière partie du séminaire était dédiée à une présentation du projet CHAMPIONs qui a pour objectif de prévenir la polarisation en Europe centrale et orientale et des outils que le projet a développés pour les autorités locales. Le fait que l’Efus fait partie du comité consultatif de CHAMPIONs facilite l’échange d’expertise et d’expérience.