Malines, ville de 87 000 habitants située dans la province d’Anvers (Belgique), a récemment rejoint l’Efus. Nous avons rencontré son Maire, Alexander Vandersmissen.
Pourquoi avez-vous choisi de rejoindre le Forum européen pour la sécurité urbaine ?
Il y a une grande diversité dans notre ville, où 130 nationalités et 70 langues sont représentées. La cohabitation n’a pas toujours été facile. Il y a 20 ans, on nous appelait « le Chicago sur la Dijle » (du nom de la rivière qui traverse la ville). En 2001, nous avons adopté une stratégie de sécurité urbaine globale, intégrée et holistique et je suis heureux de constater que le sentiment d’insécurité est passé à 4,5%, un chiffre inférieur à la moyenne nationale qui est de 6%. De plus, 80% de la population se dit fière de vivre à Malines.
Rejoindre l’Efus nous permettra de renforcer nos connaissances en matière de sécurité urbaine et de réseauter : nous voulons apprendre des autres villes et partager notre expérience. De plus, nous avons dans le passé participé à des projets menés par l’Efus et cela a toujours été une expérience très positive.
Quelle est pour vous la valeur ajoutée de travailler avec d’autres collectivités territoriales ?
Chaque ville est différente mais nous avons aussi des similarités et nous sommes confrontées à des défis similaires. Ce que font d’autres villes, ce que nous pouvons apprendre de leur expérience nous intéresse, et nous souhaitons voir si nous pouvons travailler ensemble. En mettant en commun nos connaissances et notre expertise, nous pouvons renforcer nos propres connaissances et améliorer nos actions. Une telle coopération favorise le changement positif, la créativité et l’innovation.
Quelles sont vos priorités en matière de sécurité ?
Notre stratégie de sécurité urbaine entre dans le cadre de notre stratégie générale de développement qui a pour objectif de faire de Malines une ville sûre, dynamique, surprenante et chaleureuse. Celle-ci est fondée sur plusieurs axes fondamentaux :
> Construire une communauté locale forte comme rempart contre la polarisation
La désorganisation sociale, le manque de solidarité entre les citoyens ou de participation à la vie locale, les logements de mauvaise qualité, une infrastructure purement fonctionnelle, etc., tout ceci ne donne pas un sentiment de sécurité et n’encourage pas les gens à prendre soin de leur environnement physique ou social. Par ailleurs, les programmes de prévention sociale ont tendance à réduire les facteurs de risque chez les jeunes des quartiers défavorisés. L’idée est donc de reconnecter les jeunes et leur famille aux institutions de la société afin d’améliorer le contrôle social informel et les « systèmes d’auto-régulation ». Malines a choisi d’investir dans un discours public positif afin d’instaurer une véritable politique d’inclusion sociale.
> Maintenir un environnement physique propre, sûr et attrayant pour créer une image positive de la ville
Un environnement urbain esthétique et bien maintenu est attractif autant pour les individus que pour les entreprises. Cela favorise l’utilisation des espaces publics et l’investissement des entreprises, et crée des conditions favorables pour l’essor de l’économie locale, tout en renforçant le sentiment de sécurité.
Il faut intégrer certains principes de base de la prévention, tels que la visibilité, l’accessibilité et l’attractivité, dans la conception des nouveaux espaces publics. La municipalité utilise un diagramme administratif afin de déterminer de façon systématique quels sont les projets qui nécessitent d’être revus au crible de la Prévention de la Criminalité par l’Aménagement Urbain (Crime Prevention Through Environmental Design, CPTED). Ce processus nous permet d’intégrer certaines mesures spécifiques de prévention dans les projets d’aménagement urbain.
> Programmes d’intervention précoce pour les comportements inciviques ou à risque
Les travailleurs sociaux interviennent auprès des groupes de population identifiés comme étant à risque. Par exemple, la consommation de drogue n’est pas nécessairement un problème et la plupart du temps, l’environnement social du consommateur réagira et résoudra la situation si celle-ci dégénère. Mais il y a un fossé entre la prévention et le traitement spécialisé de la toxicomanie qui fait que les parents, les enseignants, etc., sont isolés et n’ont pas accès à une assistance professionnelle. Les spécialistes de la prévention secondaire s’attachent donc à combler ce fossé.
> Donner une véritable deuxième chance aux anciens détenus
Les délinquants qui ont fait de la prison doivent être réintégrés dans la communauté locale. Bien que les peines de prison soient supposées avoir un effet dissuasif, elles n’ont pas beaucoup d’effet sur la récidive. Les anciens détenus ont du mal à s’adapter à la vie hors de la prison. Ainsi, pour mitiger les conséquences de l’emprisonnement, une période de transition dans une petite structure de détention est une bonne alternative. Les autorités locales sont parties prenantes parce que les anciens détenus s’installent à terme sur leur territoire. C’est pourquoi la ville de Malines collabore à et investit dans une petite structure d’accueil transitoire, mais aussi dans des programmes de justice restaurative et un centre pour les jeunes délinquants.
> Une réglementation locale sur l’ordre public claire et effectivement appliquée
Depuis la fin du XVIIIe siècle, les municipalités sont responsables de la propreté publique, de la santé, de la sécurité, et de l’ordre public dans les rues et les immeubles publics, mais cette réglementation locale n’a pas été toujours appliquée. Cet état de fait générait du ressentiment et le sentiment que la petite délinquance, les incivilités et les troubles à l’ordre public n’étaient pas sanctionnés, ce qui à son tour alimentait l’adhésion aux solutions populistes. Depuis 1999, la loi permet de remplacer les sanctions policières par des sanctions administratives municipales, appelées les GAS, ce qui donne aux municipalités de nouveaux outils pour faire respecter leur réglementation.
Avez-vous une stratégie municipale de prévention de la délinquance ?
Nous avons depuis 1994 un Plan stratégique de sécurité et de prévention qui comprend un certain nombre de priorités fixées par le gouvernement fédéral, telles que la propreté et la bonne coexistence, la prévention de la violence (dont la violence domestique et la radicalisation), des vols et cambriolages, du sentiment d’insécurité et de la consommation de drogue.
Pour atteindre ces objectifs, nous travaillons en collaboration étroite avec plusieurs partenaires locaux sur toute la gamme de prévention (depuis la prévention primaire jusqu’à la sanction). Ce serait trop long de les mentionner tous ici mais voici quelques exemples :
Le Centre de jeunesse ouvert régional de Malines (ROJM selon le sigle en flamand) est un partenaire important qui intervient auprès des jeunes notamment pour les aider à entrer sur le marché du travail.
J@m vzw est une association qui organise des activités de loisirs pour les jeunes de milieu défavorisé.
Le Centre de justice familiale de Malines offre une assistance aux victimes de violence domestique. C’est un partenariat régional qui fait le lien entre les victimes et divers partenaires institutionnels (services d’assistance sociale, police, Justice et administration).
Bien sûr, nous travaillons étroitement avec la police locale : nous coordonnons nos actions et interventions, nous construisons des projets ensemble et nous nous tenons constamment informés de ce qui se passe dans la ville.
D’autres partenaires sont le centre de santé mentale, les écoles et le système judiciaire.
Quelles problématiques locales souhaitez-vous présenter aux autorités européennes par l’intermédiaire de l’Efus ?
Un thème important est celui de la polarisation et de l’extrémisme de droite et le rôle d’internet et des réseaux sociaux. Il s’agit d’un phénomène global qui a un impact important à l’échelle locale et auquel nous autres, autorités locales, cherchons à répondre. Mais nous ne pouvons le faire seules et nous avons besoin du soutien des autorités européennes.
Un autre thème qui nous intéresse est celui des nouvelles méthodes de prévention, y compris digitales. Ce sont des solutions qui n’offrent un bon rapport coût-bénéfice que si elles sont utilisées dans le cadre d’une approche globale de la sécurité urbaine. Si l’on se réfère à la pensée de [l’anthropologue social et spécialiste de l’extrême-droite norvégien] Tore Bjørgo’s sur la prévention holistique, il y a une différence entre les mécanismes (les ingrédients actifs de réduction de la délinquance) et les mesures (la façon dont ces mécanismes sont activés). Les deux sont tout aussi importants pour avoir une politique locale de sécurité urbaine efficace. Les autorités européennes ont un rôle à jouer dans la mise en oeuvre de ces nouvelles technologies qui doivent à la fois respecter
le règlement général de protection des données (RGPD) et pouvoir fonctionner à l’échelle locale.
Une troisième priorité à moyen terme sont les incivilités, par exemple les conducteurs qui dépassent la vitesse autorisée dans les quartiers résidentiels. Nous souhaitons accélérer le processus de sanction et mettre en place une nouvelle équipe qui serait spécialisée dans le contrôle et la sanction d’infractions telles que le dépôt de détritus sauvage, la petite délinquance et les infractions mineures au code de la route (par exemple le stationnement illégal).
Lire l’article sur les pratiques de sécurité urbaine de la ville de Malines