La justice restaurative, une approche qui contribue à la prévention et à la réduction de la polarisation à l’échelle locale et régionale – par Tim Chapman

Résumé

Le Forum européen pour la justice restaurative (European Forum for Restorative Justice) définit celle-ci comme une approche inclusive pour répondre aux préjudices et aux risques de préjudice en dialoguant avec toutes les personnes affectées pour arriver à une compréhension et un accord mutuels sur la façon de réparer ce préjudice ou ce méfait, de maintenir les relations et d’obtenir justice.

Cette définition est fondée sur un ensemble de valeurs et de principes plutôt que sur une méthode telle que la médiation. Ces valeurs sont : le respect de la dignité humaine, la solidarité et la responsabilité envers les autres, la justice et la responsabilité (accountability), la vérité par le dialogue. Elles distinguent la justice restaurative d’autres méthodes et outils utilisés dans le système de justice pénale formel.

Le Forum européen pour la justice restaurative définit la fonction de celle-ci comme connecter les personnes pour restaurer des relations justes. Un processus restauratif associe toutes les personnes concernées par l’acte dommageable (c’est-à-dire la ou les victimes qui sont au cœur du processus, mais aussi les amis, la famille et toute la communauté qui a été affectée). Cette approche cherche à reconnaître et réparer le(s) dommage(s) par le dialogue avec toutes les parties prenantes. Elle peut prendre la forme d’une médiation, d’une conférence restaurative ou d’un cercle restauratif.

La polarisation, qui peut mener à la radicalisation et à l’extrémisme violent, désigne une fragmentation sociale et politique de la société alimentée par une pensée « eux et nous » qui questionne et affaiblit les valeurs et les relations sur lesquelles la démocratie est fondée. Ses effets nocifs ne sont pas évités par l’inculpation et l’exclusion des auteurs vers la prison. De même, traduire en justice les auteurs ne soulage pas vraiment la souffrance de la victime. En revanche, les processus de justice restaurative peuvent être utilisés pour réduire et prévenir la polarisation, ce que font déjà un certain nombre de municipalités en Europe dans le but de résoudre les conflits locaux entre habitants.

De tels processus ont ainsi été utilisés à Vienne (Autriche) pour réduire les tensions entre les autochtones et ceux plus récemment arrivés, ainsi qu’à Belfast en Irlande du Nord (Royaume-Uni) entre membres des communautés catholique et protestante.

Certaines collectivités vont plus loin et cherchent à intégrer les processus de justice restaurative dans l’ensemble des structures locales de gouvernement, comme par exemple Louvain (Belgique) qui a lancé son projet de Ville Restaurative en 2018. Le projet a pour objectif de mettre au point des méthodologies qui faciliteront un dialogue direct pour répondre aux tendances polarisantes, à l’« altérité », et aux conflits et aux tensions au sein de la société. Cette approche renforce la sécurité au travers de relations de confiance plutôt qu’une sécurité fondée sur la technologie et la police.

Orientations de mise en œuvre

Les collectivités souhaitant mettre en place une Ville Restaurative doivent tout d’abord définir ce qu’elles veulent, par exemple une société locale harmonieuse, sûre et inclusive, ou bien des services publics améliorés grâce à de meilleures relations entre les fonctionnaires et le public. Les objectifs et méthodes varieront en fonction de cet objectif général.

Un projet de Ville Restaurative nécessite un soutien politique et un leadership de haut en bas, c’est-à-dire du maire et des hauts responsables des organismes publics. Il convient d’établir un groupe de pilotage représentant tous les acteurs locaux : les responsables politiques, les services publics, les organisations non gouvernementales pertinentes, et des représentants des quartiers concernés et des communautés ethniques.

Afin de garantir une mise en œuvre de qualité et efficace, il convient d’établir un « Hub restauratif » – avec du personnel dûment formé – qui sera le point de contact pour toute personne en quête d’aide ou d’assistance lorsqu’il s’agit de réduire les tensions et de résoudre les conflits. Il convient également d’offrir des programmes de formation permanente pour les citoyens, les acteurs locaux, la police, les enseignants et les autres acteurs pertinents afin de les sensibiliser aux pratiques de justice restaurative.

Enfin, l’évaluation des actions entreprises est cruciale pour rendre compte aux financeurs du résultat des initiatives, pour recueillir des enseignements et pour améliorer les performances et les résultats à l’avenir.

Tim Chapman

Collaborateur de longue date de l’Efus, Tim Chapman est Professeur invité à l’Università degli Studi di Sassari en Sardaigne. Il a été maître de conférence à l’Université de l’Ulster en Irlande du Nord entre 2002 et 2019 pour le programme de Master en Pratiques Restauratives. Tim a contribué au développement de la pratique de la justice restaurative dans le secteur public et à l’échelle communautaire en Irlande du Nord. Il a également travaillé pendant 25 ans dans le Service de Probation d’Irlande du Nord. Il a joué un rôle clé dans le développement d’une pratique de probation effective au Royaume-Uni, notamment en publiant Evidence Based Practice (« la pratique fondée sur les données probantes »), ouvrage qu’il a écrit conjointement avec Michael Hough et qui a été publié par le Home Office. Son modèle « Time to Grow » (« le moment de grandir ») pour la surveillance des jeunes a influé sur les pratiques de justice juvénile, notamment en Écosse.

Tim Chapman a publié de nombreux articles et ouvrages sur la justice restaurative et les pratiques efficaces et a mené une recherche approfondie sur la justice restaurative en Irlande du Nord, notamment le projet ALTERNATIVE sur la justice restaurative et les conflits interculturels. Deux livres ont récemment été publiés sur cette recherche. En 2015, Tim Chapman a co-écrit avec Maija Gellin et Monique Anderson A European Model of Restorative Justice with Children and Young People (« Un modèle européen de justice restaurative avec des enfants et des jeunes », publié par l’Observatoire International de Justice Juvénile, OIJJ). Il est aussi président du Forum Européen pour la Justice Restaurative.