Mai 2021 – Concluant deux ans et demi de travail, le projet BRIDGE (Renforcer la résilience pour réduire la polarisation et la montée de l’extrémisme) a tenu sa conférence finale le 31 mai pour présenter les recommandations et enseignements du projet sur la prévention et la réduction de la polarisation à l’échelle locale. Renforcer la cohésion sociale comme antidote à la polarisation était le thème principal de l’événement. Quatre intervenants ont partagé leurs connaissances ainsi que des outils concrets pour favoriser la cohésion sociale et mesurer son impact.
Pratiques européennes de renforcement de la cohésion sociale pour prévenir la polarisation
Mette Gundersen, membre du Congrès des Autorités Locales et Régionales du Conseil de l’Europe et conseillère municipale de Kristiansand en Norvège, Lies Baarendse et Werner Van Herle de la Ville de Malines en Belgique, et l’expert BRIDGE Markus Pausch ont présenté des pratiques de renforcement de la cohésion sociale et par là de prévention et de réduction de la polarisation à l’échelle locale et régionale.
Réduire les inégalités
Mme Gundersen a souligné que cette année marque le 10e anniversaire de l’attentat d’extrême-droite à Oslo et Utøya en Norvège, le 22 juillet 2011, qui fit 77 morts dont une majorité d’adolescents. Depuis, la Norvège a beaucoup travaillé sur la lutte contre la polarisation, la radicalisation et l’extrémisme. Mme Gundersen a souligné qu’un outil clé pour prévenir ou mitiger de tels phénomènes est le renforcement de la cohésion sociale et que ceci est une priorité non seulement pour la Norvège mais aussi pour le Congrès. De fait, l’une des cinq priorités thématiques du Congrès pour les années à venir est : « les sociétés solidaires : réduire les inégalités sur le terrain ». « La cohésion, ce n’est pas seulement l’absence de haine ou de violence, cela signifie une société où tous ont un droit égal à participer à la vie politique et publique », a-t-elle déclaré.
Un tissu social solide
Mme Gundersen a souligné l’importance d’avoir un tissu social solide pour mieux favoriser la cohésion sociale et contrer la polarisation. Les communautés de partage et les échanges mutuels permettent à la démocratie de s’épanouir et d’être résiliente face aux phénomènes de polarisation, de radicalisation et d’extrémisme violent, a-t-elle remarqué. Réunir tous les acteurs concernés, qu’il s’agisse des autorités locales ou de la société civile, permet de rapprocher les citoyens et de favoriser les échanges, la communication et la coopération au-delà des lignes de fracture sociale. Cependant, une telle approche doit s’appuyer sur la prévention et la réduction des discriminations et des inégalités systématiques, qu’elles s’exercent contre les femmes, les personnes de couleur, les minorités ethniques ou religieuses, la communauté LGBT+, etc.
Mme Gundersen a mentionné en particulier la communauté Rom/Gens du voyage comme étant l’un des groupes les plus susceptibles d’être victimes de discrimination en Europe et a appelé les collectivités européennes à s’unir pour soutenir ces populations et lutter contre les violences discriminatoires dont elles sont la cible. Représentant le niveau de gouvernance le plus proche des citoyens, les autorités locales doivent être à la tête d’une telle démarche et promouvoir la tolérance, le respect et un sentiment d’appartenance partagé.
Les autorités locales en première ligne
Mme Gundersen a ajouté que la coopération avec des organisations telles que l’Efus est plus importante que jamais. « Nos démocraties traversent une période difficile avec la montée du populisme et des partis extrémistes qui remettent en question nos valeurs démocratiques, a-t-elle dit. Le racisme et la discrimination autour du genre ou de l’orientation sexuelle sont en hausse partout sur le continent. Les phénomènes tels que les discours de haine, en ligne ou en personne, posent aussi un énorme danger contre les fondations de notre système établi sur la base des droits humains. C’est pourquoi il est important de ne pas tomber dans le piège de la rhétorique de la division à des fins politiques. Les autorités locales sont en première ligne car elles sont les premières à souffrir des effets d’une société divisée et agitée. Elles sont touchées directement par les attentats terroristes, le harcèlement de rue et l’insécurité. Les niveaux de gouvernance local et régional sont essentiels pour l’avenir de nos démocraties et pour relever les défis de la polarisation et de l’extrémisme ».
Une panoplie d’outils pour mesurer l’impact de la cohésion sociale sur la sécurité urbaine
Werner Van Herle, de la Ville de Malines, a présenté une panoplie d’outils permettant de mesurer l’impact de la cohésion sociale sur la sécurité urbaine et le sentiment de sécurité. Ces outils sont actuellement testés dans le cadre de l’Action 5 du Partenariat sur la sécurité des espaces publics de l’Agenda urbain pour l’Union européenne (qui est coordonné conjointement par les Villes de Nice et de Madrid et l’Efus). La première étape consiste à cartographier les politiques et initiatives locales avec l’outil de la « Pyramide de Prévention » qui permet aux autorités locales et régionales de visualiser les politiques intégrées de prévention et la cohérence entre la cohésion sociale et les actions orientées sur les problèmes. Cet outil permet de repérer les failles des approches existantes et ainsi d’élaborer des actions ciblées et fondées sur des données probantes.
Hormis Malines, quatre villes se sont portées volontaires pour participer à cet exercice : Louvain, Munich, Cologne et Madrid. La Ville de Malines leur a fourni un manuel d’utilisation de la Pyramide afin qu’elles puissent plus facilement réaliser la cartographie.
Outils d’évaluation
La deuxième étape consiste à évaluer une politique concrète telle qu’identifiée à l’étape précédente. Pour ce faire, on peut utiliser l’outil QUALIPREV développé en 2016 par le Réseau européen de prévention de la criminalité (REPC), qui comprend des indicateurs permettant d’analyser et d’évaluer des projets précis de prévention et initiatives de cohésion sociale.
Après la cartographie et l’évaluation, la Ville de Malines et ses partenaires de recherche ont examiné le Modèle d’Impact Collectif (Collective Impact Model), qui est une approche transversale et fondée sur la communauté pour résoudre à grande échelle des problèmes sociaux complexes. Cet outil peut être utilisé dans des contextes caractérisés par une multitude d’acteurs, un manque de coordination, des failles et des « silos » dans le système, des causes profondes multiples, un besoin de politiques nouvelles ou de changement profond de politique, et d’innovation ou de solutions nouvelles.
Dans le cadre de l’Agenda urbain pour l’UE, la Ville de Malines publiera un livre vert sur ce Modèle d’Impact Collectif qui étudiera son utilisation potentielle dans le domaine de la sécurité urbaine et proposera une méthode concrète de mise en œuvre.
L’expert BRIDGE Markus Pausch, qui a collaboré avec la Ville de Malines à la mise en œuvre de l’Action 5, a souligné que la polarisation est nocive pour nos sociétés et nos démocraties et que la cohésion sociale est essentielle pour prévenir les dommages qu’elle cause. La Pyramides de Prévention intègre la relation d’interdépendance entre la cohésion sociale, la polarisation et la sécurité urbaine : cela en fait un outil important, bien qu’il doive encore être plus développé et affiné.
Agir à l’échelle locale : les approches de villes partenaires de BRIDGE
Toutes les collectivités partenaires de BRIDGE ont souligné l’importance d’agir localement à la fois sur le court et le long terme face à la polarisation. Dans le projet BRIDGE, les villes partenaires ont adopté des approches différentes pour leur activité pilote, qui était fondée sur le résultat de leur audit local de polarisation. Plusieurs partenaires ont souligné qu’il est important de constamment évaluer et surveiller la polarisation (par exemple avec des enquêtes ciblées, des sessions de dialogue ou encore une recherche avancée). Nombre d’entre eux ont aussi remarqué que toute stratégie durable face à la polarisation demande d’établir une relation de confiance entre les citoyens et leur autorité locale ou régionale et la création d’environnements propices au dialogue ouvert.
> Nous invitons toutes les collectivités intéressées à découvrir davantage de recommandations et d’enseignements de BRIDGE dans la publication finale du projet. Il s’agit d’un guide qui sera bientôt disponible en français et en anglais.
> Les résultats du projet BRIDGE seront présentés et discutés à la conférence internationale Sécurité Démocratie et Villes à Nice (20-22 octobre)
> Plus d’informations sur le projet BRIDGE