L’Efus au Débat de Haut Niveau des Nations Unies sur la sûreté urbaine, la sécurité et la bonne gouvernance

New York, États-Unis, avril 2021 – L’Efus a participé au Débat de Haut Niveau organisé par les Nations Unies le 22 avril sur « la sûreté urbaine, la sécurité et la bonne gouvernance : faire de la prévention une priorité pour tous ». Organisé à la fois en ligne et au siège de l’ONU à New York, ce débat était centré sur la violence urbaine, ses diverses formes et sur comment la prévenir alors que plus de la moitié de la population de la planète vit en zone urbaine – une proportion qui passera à 70% d’ici à 2050 –, ce qui place les autorités municipales en première ligne dans la lutte contre la criminalité.
Ce débat réunissait, outre l’Efus, des représentants de l’ONU-Habitat, du Bureau des Nations Unies contre la Drogue et le Crime (UNODC), de la Commission nationale des États-Unis sur le Covid-19 et la justice pénale, du Centre sur les conflits, le développement et la consolidation de la paix (CCDP) basé à Genève, ainsi que de l’Institut Igarapé.

Principales conclusions

Les intervenants ont insisté sur quatre principes, que l’on peut résumer comme suit :

  • la prévention de la criminalité requiert des partenariats pluridisciplinaires au niveau local, national et international ;
  • la prévention doit s’attaquer aux causes de la criminalité et notamment les inégalités profondes et croissantes ;
  • la prévention requiert d’être à l’écoute du terrain et d’intervenir à l’échelle des quartiers afin de déconstruire les liens entre les défis globaux et les histoires individuelles de ceux qui peuvent être tentés par la violence ;
  • toutes les parties prenantes doivent être impliquées dans la recherche de solutions et la réparation des dommages, dont les auteurs et les victimes.

Comprendre l’impact de la criminalité à l’échelle de la ville

Jean-Luc Lemahieu, Directeur des Affaires politiques à l’UNODC, a introduit et animé le débat. « Les villes sont confrontées à des défis de sécurité de plus en plus importants en raison des vulnérabilités locales qui sont renforcées par les activités des gangs et des groupes criminels », a-t-il dit. « Ces phénomènes sapent la bonne gouvernance et l’état de droit et affectent directement la sécurité des citoyens. Comprendre l’impact de la criminalité à l’échelle de la ville devient plus important que jamais ».

Renforcer les partenariats au niveau local, national et international

La directrice exécutive de l’ONU Habitat, Maimunah Mohd Sharif, qui est aussi Maire du Conseil municipal de l’île de Penang en Malaisie, a surtout insisté sur deux points : la nécessité pour les villes de travailler en partenariat au niveau local, national et international, et les avantages de la sécurité par le design.
« Les partenariats sont essentiels, on ne peut pas agir seul », a-t-elle dit. « Nous avons besoin de partenariats verticaux et horizontaux, c’est-à-dire d’une part des partenariats internationaux, nationaux, sub-nationaux et locaux, et d’autre part des partenariats avec les communautés locales, le secteur privé, les ONG, etc. Nous avons besoin d’une gouvernance à multiples niveaux qui soit efficace, c’est essentiel ». Elle a mentionné un certain nombre de réseaux internationaux, tels que le programme Safer Cities de l’ONU Habitat et le Parlement global des maires (dont le Comité consultatif compte Elizabeth Johnston parmi ses membres).
Comment faire fonctionner ces partenariats sur le terrain ? C’est la question clé. « Le but est de construire une vision participative de la sécurité urbaine et pour cela, nous avons besoin de la participation du public. Les citoyens sont un facteur clé », a dit Mme Mohd Sharif.
Elle a aussi souligné l’importance de la sécurité par le design, une approche qui intègre des éléments de sécurité dans la conception et la planification urbaine des espaces publics ou autres. « Un meilleur design et une meilleure planification urbaine peuvent renforcer la sécurité », a-t-elle dit, en soulignant que cette approche est rentable. Là aussi, la participation des citoyens est essentielle pour garantir que leurs besoins sont pris en compte dans la gestion, la construction ou la rénovation d’équipements urbains.

Les villes confrontées à la violence des jeunes

Intervenant après l’ONU-Habitat, Elizabeth Johnston a tout d’abord rappelé que l’Efus est un partenaire de longue date de cette organisation ainsi que de l’UNODC. Elle a évoqué la question des rixes, un phénomène cyclique qui a récemment resurgi dans plusieurs villes européennes et qui préoccupe de nombreuses municipalités.
« Ce n’est pas un problème nouveau mais il prend de nouvelles formes. Il est difficile à prévoir et il est aussi difficile d’y répondre », a-t-elle dit.
Elle a ajouté que les collectivités territoriales et la « communauté de la prévention de la criminalité » sont bien conscientes que des problèmes globaux ont un impact direct sur la criminalité locale. « Nous savons que les racines de la violence, que ce soit celle des jeunes ou d’autres types de violence, sont les inégalités très enracinées, l’injustice réelle et ressentie, les questions d’identité… toutes des questions profondes. La difficulté pour les villes est de savoir répondre à ces questions fondamentales tout en s’attaquant aux problèmes quotidiens. Cela demande d’investir dans des solutions à long terme et d’être à la fois très actifs à court terme et proactifs à long terme ».

À l’écoute du terrain…

Mme Johnston a aussi souligné la nécessité d’être à l’écoute du terrain, en reconnaissant que les autorités publiques doivent apprendre à travailler conjointement avec la société civile. À l’échelle locale, cela signifie que les conseils municipaux doivent associer aux approches et aux actions de prévention les jeunes, les familles, les parents, les voisins et d’autres acteurs locaux tels que les ONG. « Le challenge est de faire en sorte que la violence des jeunes au quotidien ne soit pas instrumentalisée et renforcée par des phénomènes globaux et radicaux », a-t-elle dit. À cet égard, les autorités locales ont déjà montré qu’elles sont capables de « déconstruire les liens entre les problèmes globaux et les histoires individuelles ».

… dans l’espace physique et l’espace numérique

Un troisième point sur lequel Mme Johnston a insisté est la nécessité de considérer que l’espace numérique est une continuation de l’espace physique parce que tout le monde, y compris les délinquants, vit dans ces deux espaces. Même si les autorités publiques, notamment à l’échelle locale, en sont bien conscientes, elles demeurent encore largement centrées sur les réponses traditionnelles, physiques et doivent à présent entrer pleinement dans le monde numérique.

Les priorités pour les villes à l’heure de la reprise post-pandémie

Robert Muggah, cofondateur et Directeur de la Recherche et de l’Innovation à l’Institut Igarapé, a évoqué l’impact de la pandémie de Covid-19 sur la criminalité urbaine et la façon dont les villes peuvent gérer la phase de reprise post-pandémie. La seule voie possible, a-t-il dit, est une reprise inclusive. Les villes doivent avoir trois priorités : 1) veiller à ce que leurs stratégies de reprise ne causent aucun dommage (par exemple accroître les inégalités) ; 2) se concentrer sur les zones et les quartiers les plus violents et où les services publics sont les plus absents ; 3) se concentrer sur la prévention par le design environnemental parce que c’est une approche rentable.
Thomas Abt, Directeur à Commission nationale sur le Covid-19 et la justice pénale (basée à Washington), est intervenu sur les réponses policières. « La violence urbaine et dans les quartiers est habituellement le fait de jeunes hommes qui n’ont aucune opportunité », a-t-il dit. Face à cela, la police ne doit pas être répressive mais au contraire fondée sur la confiance et la coopération avec les communautés locales.
Achhim Wennmann, Conseiller auprès du Directeur et Chercheur Senior au Centre sur les conflits, le développement et la consolidation de la paix (Genève), qui est spécialisé en médiation des conflits, a souligné l’importance d’une « approche multi-dimensionnelle » qui associe toutes les parties prenantes d’un conflit, dont dans certains cas les auteurs et les victimes d’un méfait. « L’accent doit être sur les plateformes, sur la compréhension mutuelle entre différents secteurs parce que les problèmes sont fondamentalement, systémiquement intégrés », a-t-il dit.

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> L’Efus et le Forum Français pour la Sécurité Urbaine organisent une série de webconférences sur les rixes