La présidence française de l’Union européenne : quelles orientations pour les six mois à venir ?

Paris, France, janvier 2021 – Succédant à la Slovénie, la France a pris le 1er janvier la présidence tournante de l’Union européenne jusqu’au 30 juin, en trio avec la Tchéquie (1er juillet-31 décembre) et la Suède (1er janvier-30 juin 2023). 

La présidence de l’UE a-t-elle un pouvoir exécutif ? 

Non. Au contraire, le pays président a un devoir d’écoute et de neutralité. Lorsque l’on dit « présidence de l’Union européenne », on parle en fait de la présidence du Conseil de l’Union européenne. À ne pas confondre avec le Conseil européen qui réunit les chefs d’État et de gouvernement et qui lui joue un rôle exécutif. 

Le Conseil de l’Union européenne réunit les ministres européens selon leur spécialité (justice, économie, environnement, etc.), sous la houlette donc pour ces six prochains mois des ministres français. Dans la réalité, assumer la présidence consiste surtout à coordonner des centaines de réunions entre les équipes ministérielles des 27 sur tous les grands domaines de la politique européenne. Le gouvernement du pays président influe toutefois sur les orientations stratégiques de l’UE et le choix des priorités. 

Quelles orientations en matière de sécurité urbaine ?

Le programme de la présidence française met en avant un certain nombre de thèmes sur lesquels l’Efus et ses membres travaillent de longue date, notamment la prévention et la lutte contre la radicalisation et la polarisation, les violences discriminatoires et les violences faites aux femmes, les politiques des drogues, et la coopération européenne en matière de gestion des risques et de sécurité civile

– En matière de radicalisation et d’extrémisme violent, la présidence met l’accent sur la lutte contre le terrorisme et la sécurisation du territoire européen, mais aussi sur « les réflexions en cours sur le projet d’un pôle de connaissances européen sur la prévention de la radicalisation. Elle souhaite également lutter contre les comportements des individus et entités qui, par leurs discours et leurs actions, contribuent à la radicalisation et au passage à l’acte violent ».
Cette approche résonne avec les priorités de l’UE et notamment sa nouvelle Stratégie de l’UE sur l’union de la sécurité, qui a pour but, selon une approche holistique, de « construire un véritable écosystème de la sécurité », selon les termes du vice-président de l’UE Margaritis Schinas. Dans le domaine de la prévention de la radicalisation comme dans les autres domaines où il travaille, l’Efus œuvre pour faire reconnaître le rôle des collectivités territoriales et des acteurs locaux dans les politiques de prévention. Ce positionnement se décline notamment au sein des projets européens :  IcARUS (2020-2024), BRIDGE (2019–2021), LOUD (2019-2021), PRACTICIES (2017–2020), PREPARE (Prévention de la radicalisation en probation et à la sortie de prison) (2017–2019) et Local Voices (Stratégies locales de communication pour prévenir l’extrémisme) (2017–2018). Ces travaux pourraient notamment nourrir le pôle européen de connaissances mentionné dans le programme de la présidence (sans autres précisions pour le moment), entre autres les récentes publications des projets BRIDGE (Comprendre et répondre à la polarisation au niveau local) et LOUD (Quand les collectivités territoriales et les jeunes de neuf villes européennes se mobilisent contre l’intolérance et l’extrémisme)

– En matière de violences discriminatoires et de genre, la présidence « soutiendra la proposition de la Commission visant à étendre la liste des infractions visées à l’article 83 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne* aux crimes et discours de haine ». De plus, elle « préparera des conclusions du Conseil sur la lutte contre le racisme et l’antisémitisme. Elle fera également progresser les travaux sur la proposition à venir de la Commission européenne sur la prévention et la lutte contre les violences contre les femmes et les violences domestiques ». 

La prévention et la lutte contre les violences discriminatoires est un axe de travail majeur de l’Efus, dont les projets les plus récents en la matière sont LOUD, qui se trouve à la croisée des thématiques discrimination et radicalisation, et MATCH (2019-2020) sur la prévention des violences discriminatoires dans le sport amateur. La publication finale de ce projet (Préserver la capacité de cohésion du sport amateur en luttant contre les violences discriminatoires au niveau local) est disponible depuis juin 2021. L’Efus avait mené auparavant, entre 2015 et 2017,  le projet Just & Safer Cities for All (Des villes sûres et justes pour tous) qui avait pour objectif de sensibiliser les collectivités territoriales européennes sur leur rôle en matière de prévention des violences discriminatoires et de renforcer leurs connaissances en la matière.
Par ailleurs, l’Efus travaille depuis sa création (en 1987) sur la question des violences faites aux femmes (voir la section dédiée sur notre site web) et préconise la prise en compte du genre dans toute politique publique de sécurité. 

– En matière de politiques des drogues, le positionnement de la présidence est en ligne avec celui de l’Efus de traiter la question des trafics « dans sa double dimension sécuritaire et sanitaire ». Le programme précise que « la révision du mandat de l’Observatoire des drogues et des toxicomanies devra contribuer à ce renforcement. ». L’Efus travaille depuis des années sur les politiques de prévention des drogues et promeut une approche de réduction des risques et le respect des droits fondamentaux des usagers. Il est notamment membre du Civil Society Forum on Drugs (Forum de la société civile sur les drogues), un groupe de 45 experts auprès de la Commission européenne qui a pour objectif de permettre un dialogue structuré entre l’UE et la société civile en matière de politique des drogues. Le projet européen le plus récent mené par l’Efus était SOLIDIFY (2018-2019) sur les salles de consommation à moindre risque. L’Efus a publié 11 ouvrages sur la question des drogues depuis 1998, dont le plus récent est SOLIDIFY – Renforcer les stratégies de réduction des risques à l’échelle locale – Le rôle des SCMR (2019). 

– Enfin, alors que la pandémie de Covid continue de faire rage, le renforcement de la coopération entre États membres en matière de gestion de crises et de sécurité civile est une priorité. « La présidence française accordera une grande importance au renforcement de la capacité de l’Union européenne à gérer les crises en améliorant sa préparation, en développant ses capacités de réponse et sa résilience à de nouvelles crises, en tirant les leçons de la réponse à la pandémie ». Alors que les collectivités territoriales européennes ont affronté des crises sans précédent ces dernières années, non seulement le Covid mais aussi une série de catastrophes climatiques (inondations, incendies, tempêtes), l’Efus a participé au projet ALARM sur la coopération transfrontalière France-Belgique en matière de sécurité civile. L’Efus est également partenaire du projet RiskPACC, qui a pour objectif d’améliorer la coordination entre les agences de protection civile et les citoyens pour renforcer la résilience aux catastrophes.

Pourquoi cela concerne l’Efus ? 

Réseau de collectivités territoriales européennes, l’Efus est directement concerné par les politiques européennes portant sur les thèmes de sécurité urbaine sur lesquels il travaille, non seulement parce que celles-ci influent sur ou s’inspirent des politiques nationales des 17 pays où l’Efus compte des membres, mais aussi parce qu’une partie importante de son activité se déroule au travers de projets financés par l’UE. 

Par ailleurs, l’Efus remplit une mission de plaidoyer auprès des institutions européennes pour faire entendre la voix des collectivités territoriales en matière de sécurité urbaine et promouvoir son positionnement en faveur de politiques équilibrées fondées sur le triptyque prévention, sanction et cohésion sociale. 

Pour des raisons historiques, l’Efus a des liens forts avec la France et avec le Forum Français pour la Sécurité Urbaine (FFSU), lequel dialogue régulièrement avec les pouvoirs publics français. L’Efus peut donc espérer que ce semestre de présidence française de l’UE permettra de renforcer peut-être davantage que sous d’autres présidences le dialogue et la coopération avec les institutions européennes sur les grands dossiers de sécurité urbaine. 

> Le programme de la présidence française de l’Union européenne

> En savoir plus sur les activités de l’Efus en matière de coopération européenne

*qui définit les crimes transnationaux comme étant : le terrorisme, la traite des êtres humains et l’exploitation sexuelle des femmes et des enfants, le trafic illicite de drogues, le trafic illicite d’armes, le blanchiment d’argent, la corruption, la contrefaçon de moyens de paiement, la criminalité informatique et la criminalité organisée. Voir : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/?uri=CELEX%3A12008E083