Madrid signe la Charte pour une utilisation démocratique de la vidéosurveillance de l’Efus

security-cameraLa conseillère municipale des districts de Tetuán et Moncloa, Montserrat Galcerán Huguet, explique pourquoi Madrid s’engage à veiller au respect de la vie privée et des droits fondamentaux dans l’utilisation de la vidéosurveillance.

Pourquoi la ville de Madrid a-t-elle décidé d’adopter la Charte pour une utilisation démocratique de la vidéosurveillance ?

La Charte est un outil excellent pour utiliser la vidéosurveillance afin de créer des villes plus sûres sans pour autant tomber dans la surveillance 24h/24. Je crois que la criminologie libérale fait une analyse erronée en affirmant que si le délinquant est certain d’être arrêté, il renoncera à son acte délictueux. Cette analyse ignore le fait que dans de nombreux cas, la délinquance, et notamment les vols, naît d’un besoin d’argent.

De plus, les études montrent qu’une fois les caméras installées, le taux de délinquance se réduit dans la zone concernée mais qu’à partir du moment où les délinquants intègrent la vidéosurveillance comme un élément de plus du paysage urbain, ces taux remontent au niveau antérieur. Cela montre que le problème se déplace temporairement à d’autres rues mais revient ensuite au lieu d’origine.

Il est vrai que pour la grande majorité de la population, la vidéosurveillance accroît le sentiment subjectif de sécurité. Mais il ne faut pas perdre de vue qu’elle n’est pas un élément déterminant pour la prévention ou la résolution des délits, même si bien sûr elle peut y contribuer.

Il convient donc de prendre plusieurs facteurs en compte : il est fondamental que les responsables de la gestion et de l’utilisation de ces systèmes de surveillance fassent le nécessaire pour qu’ils ne constituent pas une menace pour les droits fondamentaux. De même, le droit à la vie privée ne disparaît pas lorsque nous sortons dans la rue. C’est même l’un des avantages de la vie en ville : la possibilité de se perdre dans la multitude.

En fin de compte, nous devons répondre à une question particulièrement difficile : quelle est la meilleure façon de concilier le besoin de sécurité et la nécessité de respecter et de protéger le droit des personnes ? La technologie n’est pas un élément de risque en soi, mais l’usage que l’on en fait peut l’être.

Les études réalisées à ce jour montrent que les résultats obtenus doivent être mesurés en fonction du contexte spécifique dans lequel les caméras sont installées. Il faut tenir compte de la nature et de la dimension du territoire sous surveillance, de la population et des besoins concrets identifiés par un audit de sécurité.

Les experts et les professionnels sont unanimes à reconnaître que la vidéosurveillance n’est pas la solution miracle pour résoudre tous les problèmes de sécurité d’une ville, mais plutôt un outil parmi d’autres dans le cadre d’une politique globale de sécurité.

L’un des principes de la Charte est que l’installation d’un système de vidéosurveillance ne peut être une fin en soi. En fonction de quel contexte et de quels besoins spécifiques la ville de Madrid a-t-elle décidé d’installer des caméras dans l’espace public?

Les premiers systèmes de vidéosurveillance à Madrid datent de 2005. À ce jour la ville compte 147 caméras dans le centre-ville. L’équipe municipale précédente [1] a présenté la vidéosurveillance comme l’une des mesures phares de sa politique de sécurité. Nous ne souhaitons pas poursuivre dans cette voie, tout en reconnaissant que ces dispositifs peuvent contribuer à renforcer le sentiment subjectif de sécurité.

Plusieurs raisons ont amené la précédente équipe municipale à faire ce choix. D’une part parce que le centre-ville, où transitent des milliers de personnes, était victime de très nombreux cambriolages et vols à l’arraché par rapport à la moyenne générale de la ville. Par ailleurs, il s’agissait de protéger les oeuvres d’art du Musée à l’air libre (Museo al Aire Libre), qui sont, comme son nom l’indique, exposées à l’extérieur.

L’équipe municipale actuelle a décidé, sur demande de la mairie du quartier de Tetúan, d’installer des caméras de vidéosurveillance dans le district de Bellas Vistas. Ce fut une décision difficile parce que nous ne souhaitions pas poursuivre dans cette voie, mais il y a  eu un vote en conseil municipal du district et les résidents y étaient très favorables. De plus, c’est une zone particulièrement affectée par la délinquance. Il y a quelques mois, un jeune a été tué lors d’un échange de coups de feu.

Quelles sont les caractéristiques du système de vidéosurveillance de Madrid et les objectifs poursuivis ?

La vidéosurveillance à Madrid est gérée par la police municipale et est accessible localement dans tous les endroits où se trouvent les caméras. Les images sont toutes centralisées au Centre intégré des signaux vidéo (Centro Integrado de Señales de Video, CISEVI).

Les objectifs sont : la réduction du temps de réponse lorsqu’un incident est détecté ; la visualisation conjointe de toutes les images disponibles, sur demande ; l’envoi des images des incidents aux dispositifs mobiles ; l’accès aux images depuis d’autres applications de police ; l’utilisation partagée des moyens disponibles au Centre, et la détection automatique des incidents.

Les caméras doivent être autorisées par la Délégation du Gouvernement de Madrid[2], sur la base d’un avis favorable de la Commission de Garantie de la Vidéosurveillance (Comisión de Garantías de Vídeo Vigilancia). On voit donc que le système espagnol comprend des mesures de sauvegarde importantes. Les caméras sont ainsi autorisées seulement dans certains quartiers, notamment au centre-ville et dans les zones touristiques. Par ailleurs, des panneaux de signalisation indiquent aux citoyens la présence de caméras dans les zones sous surveillance, conformément à la Loi de protection des données personnelles.

La transparence est l’un des principes de la Charte pour une utilisation démocratique de la vidéosurveillance. Quels sont les mécanismes utilisés par la ville de Madrid dans ce sens ?

Tout d’abord, toute personne peut accéder aux images en cas de besoin, par exemple lorsqu’elle a été victime d’un cambriolage ou d’une agression sexuelle ou autre… Ce type de preuve peut en effet être essentiel pour la résolution des cas. Les caméras peuvent aussi être utilisées en cas de mauvaise pratique policière. Nous avons ainsi reçu des demandes de la part de personnes victimes d’abus de la police et nous avons mis les images à leur disposition.

Nous envisageons aussi de suivre l’exemple de Rotterdam où, chaque fois qu’une caméra est installée, toutes les parties prenantes, notamment les citoyens, sont invitées à visiter le centre de contrôle. L’expérience montre que ceci est très apprécié et donne de bons résultats. Par ailleurs, notre signalétique est bien sûr strictement conforme à la législation.

La participation citoyenne au développement et à l’évaluation de ces systèmes est un autre élément de la Charte. Quels canaux de participation avez-vous prévu à Madrid pour les différentes phases du projet de vidéosurveillance (identification des besoins locaux, évaluation du système) ?

En effet, la mise en place de caméras part d’une demande des résidents, qui estiment qu’elles amélioreront la situation dans le quartier.

En ce qui concerne l’évaluation, il convient de différencier les données statistiques qui sont du ressort de la police municipale et les mécanismes permettant de recueillir l’opinion des résidents du quartier sur les avantages et les désavantages de la vidéosurveillance.

 

[1] La mairie de Madrid était à l’époque gouvernée par le Partido Popular conservateur et ce, jusqu’aux dernières élections municipales, en 2015, remportées par le parti de gauche Podemos.

[2] Le gouvernement autonome de Madrid, l’une des 17 Communautés autonomes d’Espagne.