Juillet 2021 – La Ville de Strasbourg, le Groupe Pompidou du Conseil de l’Europe et l’association Ithaque, qui gère la salle Argos de consommation de drogue à moindre risque de Strasbourg, en partenariat avec l’Efus, la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca), l’Agence régionale de Santé Grand Est et le Correlation Network ont organisé le deuxième symposium européen sur les Salles de Consommation à Moindre Risque (SCMR) au Conseil de l’Europe à Strasbourg, le 1er juillet.
Organisé sous un format hybride (en présentiel et en ligne), l’événement a réuni des acteurs institutionnels et des associations de terrain, des gestionnaires de SCMR et des décideurs politiques européens, deux ans après le premier symposium organisé en 2019.
Maintenir une dynamique positive face à des défis majeurs
Intitulé « Salles de consommation à moindre risque en Europe : maintenir une dynamique positive face aux défis majeurs du 21e siècle », le symposium avait pour objectifs d’échanger des expériences européennes, de discuter des différents cadres législatifs et de leur évolution, et d’évaluer les innovations et les perspectives des politiques de réduction des risques et de drogues. Les enseignements du projet Solidify, mené par l’Efus de 2018 à 2020 dans le but d’outiller les autorités locales pour leur faciliter la gestion de leur SCMR et d’évaluer l’impact de celles-ci sur les usagers et les riverains, ont nourri la conversation.
L’expérience montre que les SCMR réduisent les risques
Conformément à la Stratégie de l’UE en matière de drogue 2021-20251 et sur la base des données probantes issues de l’expérience des villes et des études scientifiques, les participants ont réaffirmé leur soutien aux SCMR et appelé à l’ouverture de nouvelles SCMR en Europe.
En effet, l’expérience montre que les SCMR contribuent à réduire les morts et les problèmes de santé liés aux drogues car elles limitent le nombre de surdoses et améliorent l’accès des usagers aux services de santé et aux traitements (voir notamment la récente étude de l’Inserm sur les SCMR françaises). En particulier, les SCMR permettent aux usagers marginalisés ou sans abri d’avoir accès aux services sociaux et de santé.
De manière générale, les salles de consommation contribuent aussi à réduire les troubles à l’ordre public puisqu’elles réduisent la consommation dans l’espace public. Elles ont joué un rôle important pendant la crise du Covid-19 en fournissant une continuité de traitement à un moment où les surdoses et la mortalité augmentaient. Bjorn Berge, Secrétaire Général Adjoint du Conseil de l’Europe, a déclaré que les décideurs doivent veiller à « relier les politiques, les pratiques et la science » et à placer la protection des droits humains au cœur des politiques de drogue. Les salles de consommation à moindre risque garantissent de telles conditions.
Expériences de villes européennes
Les représentants des villes d’Athènes, Bordeaux, Copenhague, Dublin, Lisbonne, Lille, Lyon, Marseille, Montpellier, Nantes, Paris, Strasbourg, Liège, et de la Région de Jämtland et Härjedalen ont expliqué pourquoi les salles de consommation à moindre risque jouent un rôle important pour la santé et la sécurité à l’échelle locale.
La Ville de Lille a présenté son projet d’ouverture d’une SCMR pour octobre 2021 et le projet d’y ajouter d’autres structures si les autorités donnent leur feu vert. En Belgique, la SCMR de Liège est située en face d’un commissariat de police, ce qui selon le Maire Willy Demeyer, qui est aussi président de l’Efus, a favorisé son acceptation par les riverains. D’ici à la fin de l’année, la Ville de Bruxelles accueillera la deuxième SCMR de Belgique.
Les représentants des Villes de Bordeaux, Lyon, Marseille et Montpellier ont tous affirmé leur soutien aux politiques de réduction des risques en matière de drogue et leur volonté d’ouvrir une SCMR. Elles s’efforcent actuellement de convaincre les acteurs concernés.
Les SCMR n’encouragent pas la consommation de drogue
Les élus ont souligné que les salles de consommation à moindre risque n’encouragent pas l’usage de drogue et n’ont pas d’impact négatif sur la sécurité publique. Les autorités locales, les chercheurs et les associations de riverains rapportent que les SCMR contribuent en fait à améliorer l’ordre public et la cohésion sociale dans les quartiers où elles sont implantées.
Le ministre français des Solidarités et de la Santé, Olivier Véran, a affirmé que « la sécurité publique est un aspect très important » des SCMR. En effet, celles-ci améliorent la sécurité de tous les citoyens, y compris les riverains et les usagers. De même, Anne Souyris, Maire adjointe de Paris en charge de la Santé, a souligné qu’il existe un lien de cause à effet entre une meilleure santé pour les usagers de drogue et l’amélioration de l’ordre public et de la tranquillité.
Réfuter les préjugés
Pour favoriser l’ouverture de nouvelles SCMR, il est important de réfuter les préjugés et d’améliorer l’acceptation du public, notamment en publiant les données qui confirment l’utilité et l’efficacité des SCMR. De plus, les barrières légales et le manque de partenariats solides sont souvent aussi à l’origine des difficultés rencontrées par les villes pour ouvrir une SCMR.
L’expérience des villes montre qu’il n’existe pas de solution toute prête pour permettre l’ouverture d’une SCMR. Il est essentiel de construire des alliances solides et un consensus entre les décideurs politiques et les acteurs sociaux. Une coopération étroite avec la police, comme c’est le cas par exemple à Barcelone et à Lisbonne, est aussi importante. Carla Napolano, Déléguée générale adjointe de l’Efus, a souligné que les partenariats solides avec tous types d’acteurs sont essentiels pour garantir la durabilité des SCMR.
Des projets pilotes pour obtenir des soutiens
Des projets pilotes tels que les salles de consommation mobile peuvent servir à former des alliances et obtenir le soutien d’acteurs clés et des riverains, comme l’ont souligné les spécialistes en réduction des risques des villes de Lisbonne et de Dublin. Les représentants de la Ville d’Athènes ont évoqué les expériences passées de consommation non supervisée et de contaminations au VIH pour rappeler l’importance des politiques fondées sur la réduction des risques.
Enfin, intervenant sur les politiques de drogue de manière générale, la maire en charge des services sociaux de la Ville de Copenhague a affirmé qu’il convient de remplacer l’approche pénale par une approche de santé publique. Elle a ajouté qu’il convient d’ouvrir le débat sur la décriminalisation de la consommation pour ouvrir la voie à une amélioration de la santé publique.
Renforcer la collaboration entre les villes européennes
Les élus ont souligné l’importance de renforcer la collaboration entre villes européennes afin d’établir des partenariats clés et de favoriser l’ouverture de nouvelles SCMR en Europe. Les participants ont ainsi évoqué l’idée d’un réseau européen des SCMR qui réunirait des décideurs politiques locaux, des praticiens, des associations et des représentants des usagers afin de poursuivre les échanges de points de vue et de pratiques prometteuses.
Plutôt que de réinventer ce qui a déjà été fait, éviter les doublons et avoir le plus d’impact possible, les participants se sont déclarés prêts à unir leurs forces et à établir des synergies entre les associations existantes, telles l’Efus et le Correlation Network. Ils ont aussi évoqué l’idée d’une plateforme de plaidoyer politique. Les statuts et les objectifs d’un tel réseau restent à définir lors d’une prochaine assemblée générale, avec le soutien du Groupe Pompidou et de la Ville de Strasbourg.
Willy Demeyer, Maire de Liège et président de l’Efus, a rappelé que l’Efus accompagne villes européennes qui adoptent une politique de réduction des risques et souhaitent ouvrir une salle de consommation à moindre risque.
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1 Stratégie ‘drogues’ de l’Union européenne : les objectifs sont de protéger et d’améliorer le bien-être de la société et de l’individu ; de protéger et de promouvoir la santé publique ; d’offrir un haut degré de sécurité et de bien-être pour le public général, et d’améliorer l’apprentissage de la santé.