“La complémentarité est une condition de réussite essentielle dans la mise en œuvre des politiques de sécurité urbaine.” Entretien avec Rudi Vervoort, ministre-président de la Région de Bruxelles-Capitale, nouvelle membre de l’Efus

Rudi VervoortPourquoi avez-vous décidé de rejoindre le Forum européen pour la sécurité urbaine ?

Son rôle de capitale nationale, avec plus de 10 % de la population belge, et de siège d’institutions européennes et internationales fait de Bruxelles une région particulière car elle  accueille une population variée et cosmopolite et aussi de nombreux événements culturels, sociaux et politiques. À ce titre, il est essentiel pour nous de prendre une part active à la réflexion et à l’échange d’expériences concernant les grands enjeux et les pratiques en matière de prévention et de sécurité aux côtés de nos homologues européens et d’experts internationaux, dans le cadre du réseau de l’Efus.

Depuis la dernière réforme de l’État, la Région bruxelloise est responsable de la coordination des politiques régionales de prévention et de sécurité. À cette fin, nous avons créé l’organisme d’intérêt public Bruxelles-Prévention & Sécurité (BPS), dont la mission est de mettre en place une vision transversale des politiques de sécurité sur son territoire pour l’ensemble de la chaîne qui va de la prévention à la réaction.

Notre démarche intègre l’ensemble des intervenants impliqués, encourage leur complémentarité au travers de collaborations concrètes et de partenariats renforcés et inclut le volet socio-préventif aux côtés des autres acteurs de la sécurité tels que la police ou la Justice. Elle rejoint en ce sens la vision équilibrée —  cohésion sociale – prévention – sanction  — portée par l’Efus.

Quelle est pour vous la valeur ajoutée du travail en commun avec d’autres collectivités locales ?

Les collectivités locales occupent une place extrêmement importante dans la vie des citoyens. Parce qu’elles sont en contact direct avec leur population, ces collectivités constituent une formidable manne de connaissances du terrain. Les réponses aux problématiques de sécurité urbaine doivent donc être co-construites avec ces partenaires de premier rang en exploitant les talents et les ressources existantes ou potentielles, au niveau d’un territoire.

Travailler en commun avec d’autres acteurs locaux et régionaux permet à chacun de faire évoluer ses stratégies dans les domaines de la prévention et de la sécurité urbaine mais aussi plus globalement d’améliorer l’efficacité et l’impact des politiques au niveau européen en faisant émerger des solutions concrètes, nouvelles et durables.

Au niveau de la Région bruxelloise, notre approche vise à faire collaborer ensemble les partenaires de la chaîne de sécurité dans l’optique d’une meilleure compréhension des rôles et complémentarités de chacun mais également une meilleure prise en charge des phénomènes, au bénéfice des citoyens.

Quelles sont vos priorités en matière de sécurité pour la Région ?

La Région de Bruxelles-Capitale a défini, dans son Plan Global de Sécurité et de Prévention (PGSP), dix chantiers à traiter en priorité dans les années à venir, notamment les atteintes à l’intégrité physique, la polarisation et la radicalisation, les drogues et les addictions, le trafic des êtres humains, la gestion de crise ou encore la cybercriminalité.  

Au-delà d’initiatives qui existent déjà, ce plan propose toute une série de nouvelles mesures : la prise en compte prioritaire des affaires liées aux violences conjugales ou intrafamiliales ; l’harmonisation de la prise en charge des auteurs et victimes potentielles des phénomènes de polarisation et de radicalisation ; l’optimisation de la présence sur le terrain des policiers et gardiens de la paix pour dissuader les vols et cambriolages, le vandalisme et les extorsions diverses (racket aux abords des écoles, pickpockets dans les transports en commun et vols dans les voitures) ; l’amélioration de l’accueil 24h/24 et dans des locaux adaptés des victimes de la traite des êtres humains ; le déploiement d’un réseau de caméras de vidéosurveillance ; la création  d’un centre de communication intégré rassemblant la police, les services de secours et les opérateurs de mobilité ; la mise en place d’un centre de crise régional ainsi que la formation des citoyens bruxellois aux premiers secours, dans le cadre du permis de conduire, mais aussi en cas de situation d’urgence.

La complémentarité est une condition de réussite essentielle dans la mise en œuvre de nos politiques en la matière mais aussi dans nos contacts avec les autres niveaux de pouvoir. L’articulation entre les différentes compétences des acteurs en charge de notre sécurité a été redéfinie dans cette optique, de manière à diminuer l’insécurité et d’offrir aux Bruxellois un cadre de vie agréable.

Votre ville a-t-elle une stratégie municipale de prévention de la délinquance ?

La Région de Bruxelles-Capitale a développé avec ses partenaires une approche globale de la prévention de la criminalité. Avec la participation du niveau communal, régional, fédéral et communautaire, elle mène de nombreuses mesures qui peuvent être considérées comme contribuant  à la prévention de la délinquance.

Par ailleurs, depuis le début des années 1990, nous avons mis sur pied des contrats de sécurité et de société, ainsi que des contrats de prévention dans le cadre desquels des subventions nationales sont allouées contractuellement à certaines communes bruxelloises. Les objectifs de ces contrats sont variés et concernent  l’accès à l’emploi, le soutien aux mesures judiciaires alternatives à l’emprisonnement, une approche intégrée en matière de drogues et la création d’un dispositif d’accrochage scolaire. En  1995, un volet a été ajouté à ce dispositif, qui concerne les les agents de Prévention et de Sécurité, dont la mission est de réduire l’insécurité.

Le gouvernement régional bruxellois a lancé sa politique de prévention en 2002 avec six thématiques prioritaires à destination de l’ensemble des communes du territoire : la médiation sociale, les problèmes avec les jeunes, le gardiennage des parcs, la sécurisation des logements sociaux et la lutte contre la toxicomanie. Une rationalisation des différents plans permet en 2009 de lancer le Plan bruxellois de Prévention et de Sécurité qui s’articule autour de la présence visible et rassurante des forces de l’ordre, la lutte contre les incivilités, la médiation des conflits et l’accrochage scolaire.

Depuis 2014, la Région bruxelloise a intensifié son soutien aux communes par une augmentation substantielle des moyens qui leur sont accordés pour développer leur politique locale de sécurité. Après le transfert de compétences en matière de coordination de la sécurité à la Région de Bruxelles-Capitale et pour renforcer la transversalité des politiques, le Plan bruxellois de Prévention et de Proximité s’intègre au Plan Global de Sécurité et de Prévention, regroupant ainsi l’ensemble des mesures préventives et répressives de la criminalité. Ce plan est désormais l’outil stratégique de la Région de Bruxelles-Capitale.       

De quelle action en matière de prévention êtes-vous le plus fier dans votre ville ?

Les conditions de la sécurité nécessitent une approche globale qui passe par plusieurs axes politiques : la formation, le recrutement et la stratégie d’engagement et de déploiement de nos capacités. Le Plan Global de Sécurité et de Prévention (PGSP) présente deux aspects particulièrement importants. Premièrement,  une approche plus bruxelloise de la sécurité, avec notamment la création d’une école régionale intégrée des métiers de la prévention et de la sécurité qui formera des gardiens de la paix, des gardiens de parc, des pompiers, des policiers et d’autres acteurs,« décloisonnement des bonnes pratiques ».

Deuxièmement, ce plan répond à la nécessité de créer un centre de communication et de crise régional intégré. Il est également le forum et le lieu de rencontre concret des différents acteurs de la prévention et de la sécurité au sens large qui travaillent ensemble à la mise en œuvre opérationnelle de la stratégie régionale.