Février 2022 – Le groupe de travail de l’Efus sur les racines et les impacts locaux de la criminalité organisée, qui est piloté par les Villes d’Amsterdam et de Rotterdam, a entamé en février une série de webconférences qui se poursuivra tout au long du premier semestre. La première, le 9 février, était consacrée à l’approche administrative de l’Union européenne pour tracer et contrer l’utilisation, par la criminalité organisée, de moyens légaux pour conduire ses activités et blanchir l’argent, ainsi qu’à l’expérience de la Ville d’Amsterdam.
L’approche administrative
Représentant l’Efus, Tatiana Morales, chargée de mission, a souligné qu’outre son caractère « transnational, global et agile », la criminalité organisée « représente un danger réel pour les collectivités territoriales et la société ». Comment la combattre et la prévenir ? Outre l’action de la police et de la justice pénale, les collectivités peuvent agir pour protéger les citoyens « en combinant les mesures sociales et autres », a-t-elle dit.
Chadia Dehbi, chargé de la politique et des pratiques au sein du Réseau européen sur l’approche administrative (European Network on the Administrative Approach, ENAA), a présenté cette approche que l’UE promeut à l’échelle nationale et locale. Contrairement à ce que son intitulé peut laisser croire, il ne s’agit pas de remplir des papiers mais d’utiliser tous les moyens à disposition des autorités locales, régionales et nationales pour détecter, prévenir, contrer et éradiquer l’utilisation par la criminalité des infrastructures juridiques, comme par exemple pour blanchir de l’argent au travers d’opérations immobilières ou d’entreprises locales.
L’UE définit l’approche administrative comme suit : « Une approche administrative de la criminalité grave et organisée est un moyen complémentaire de prévenir et de combattre l’utilisation abusive de l’infrastructure juridique par une coopération entre plusieurs agences, en partageant des informations et en prenant des mesures afin de créer des obstacles ».
Information et orientations
Ainsi, les collectivités peuvent par exemple examiner les demandes de subventions ou de permis (pour une opération immobilière, pour créer une entreprise…) à la lumière de l’approche administrative afin de détecter et d’empêcher les organisations criminelles d’avoir accès à des fonds publics pour légaliser leurs opérations. Cette approche est déjà utilisée par un certain nombre de collectivités européennes, notamment en Italie et aux Pays-Bas.
L’ENAA, qui dispose d’un réseau de points de contact locaux dans chacun des 27 États Membres, offre des conseils et des ressources aux collectivités intéressées. Il a ainsi publié un guide pratique qui est disponible (dans toutes les langues de l’UE) sur son site web et qui comprend des pratiques, des documents politiques et des conseils.
Amsterdam : proposer une autre voie aux jeunes
Robert Valkhoff, responsable d’équipe au service de l’ordre public et de la sécurité de la municipalité d’Amsterdam, a expliqué l’approche de sa ville, qui est un centre européen pour le trafic de drogue.
La stratégie municipale est fondée sur ce que la ville appelle un ‘triangle’ entre le ou la maire et les responsables du Parquet et de la police. Les trois dirigeants se mettent d’accord sur une stratégie et des interventions conjointes en fonction de cinq objectifs : sensibiliser les usagers à des fins récréatives, s’attaquer séparément aux marchés des drogues douces et dures, offrir des perspectives aux jeunes vulnérables en les détournant d’une ‘carrière’ dans les drogues, combattre la corruption et affaiblir la criminalité, et enfin combattre la violence excessive.
Plus de 20 projets mis en œuvre
Jusqu’à présent, plus de 20 projets ont été mis en œuvre dans le cadre de cette stratégie. Notamment, un dispositif vise à offrir à des jeunes identifiés comme étant en risque de basculer vers le trafic de drogue la possibilité d’avoir un autre parcours de vie. « Le dispositif est fondé sur la coopération entre la municipalité, les travailleurs sociaux, la police et le service de la santé. Il s’agit d’avoir une approche individuelle, au cas par cas, centrée sur les jeunes et leur famille », a expliqué M. Valkhoff. En 2021, ce dispositif a concerné une quarantaine de jeunes.
Un autre exemple de cette stratégie conjointe consiste à viser les individus qui sont des rouages indispensables aux opérations des trafiquants, comme les professionnels de certaines spécialités. De telles interventions demandent « une coopération étroite entre la municipalité, la police, le Parquet et le fisc ». En ciblant ces professionnels qui jouent un rôle au sein de l’organisation, les autorités municipales ont pu traquer et arrêter un individu qui blanchissait de l’argent « dans une maison au milieu de nulle part » où la police a trouvé « trois tonnes de cocaïne et 11 millions d’euros en liquide ».
Les difficultés d’une telle approche sont cependant la difficulté de recruter et de retenir des officiers de police expérimentés et le fait qu’elle demande « une action sur le long terme, ce qui n’est pas toujours en accord avec le calendrier politique et budgétaire », a remarqué M. Valkhoff.
D’autres webconférences à venir
Le groupe de travail sur la criminalité organisée de l’Efus organisera quatre nouvelles webconférences dans les semaines à venir. La prochaine aura lieu le 16 mars et sera consacrée à l’utilisation à des fins sociales des biens confisqués au crime organisé en Italie.
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