« Nous combinons la prévention des violences dans les stades de foot avec des projets de cohésion sociale associant les clubs » 

Liège, Belgique, septembre 2025 – Comment prévenir les violences dans le sport ? C’est une question sur laquelle les collectivités européennes travaillent depuis des années en collaboration avec les forces de l’ordre, les clubs sportifs et l’ensemble des acteurs de la sécurité urbaine. Nous avons posé la question à deux spécialistes de la ville de Liège (Belgique), ville présidente de l’Efus : Manuel Comeron, coordinateur – Plan de Prévention des insécurités urbaines (à gauche sur la photo), et Salomon Aktan, coordinateur du Fan Coaching (photo droite). 

L’Efus et la ville de Liège ont collaboré au fil des années sur de nombreux projets liés à la prévention des violences dans le sport. C’est un domaine où de réels progrès ont eu lieu depuis les drames tels que celui du stade du Heysel en Belgique (1985) et de Hillsborough en Angleterre (1989). Quel est le rôle de la prévention locale pour améliorer la sécurité dans et autour des stades ?

Manuel Comeron : L’amélioration de la sécurité dans le domaine du sport est liée à un ensemble de facteurs, notamment le fait que de nombreux pays européens ont adopté des législations spécifiques pour encadrer ce type de grand événement. Sur le terrain, les améliorations ont notamment concerné les infrastructures des stades, les tactiques d’intervention de la police et le travail de prévention sociale auprès des supporters comme celui que nous menons à Liège avec le Fan Coaching, c’est-à-dire l’accompagnement social du noyau dur des supporters. 

Concernant l’infrastructure des stades, le grand tournant a été l’introduction des places assises. Aujourd’hui, un billet d’entrée = une personne. Dans les années 1980, beaucoup de stades avaient des tribunes debout et il était courant de vendre davantage de billets que de places, ce qui a engendré des catastrophes comme celle de Hillsborough.  

En ce qui concerne le maintien de l’ordre, la gestion des foules a évolué vers une doctrine de désescalade plutôt que de confrontation, par exemple avec la création de la fonction de stadier (stewards en anglais) qui joue un rôle d’encadrement et d’apaisement au sein du stade, parmi les spectateurs. 

Enfin, est né dans les années 1990 le mouvement du fan coaching. Il s’agit de faire de la prévention sociale directement auprès du public à risque, donc les supporters les plus radicaux (ceux qu’on désigne comme  hooligans ou ultras ). Là, on travaille sur le facteur humain et le comportement en reproduisant dans le stade le type d’actions sociales et éducatives qu’on mène dans les quartiers sensibles. C’est ce que nous faisons à Liège depuis près de 35 ans. 

« Notre appartenance à l’Efus nous enrichit et nous inspire, non seulement en matière de prévention des violences dans le sport mais aussi de façon plus large dans notre politique et nos actions de prévention de la délinquance ».

En quoi le fait d’être membre du Forum européen a inspiré la politique de prévention des violences dans le sport de la ville de Liège ? 

Manuel Comeron : notre appartenance à l’Efus nous enrichit et nous inspire non seulement en matière de prévention des violences dans le sport mais aussi de façon plus large dans notre politique et nos actions de prévention de la délinquance. Nous sommes membres de l’Efus depuis 30 ans et nous avons au fil des années participé à de nombreuses rencontres et réflexions et piloté des projets communs, notamment ceux financés par l’Union européenne comme EUROFAN. Nous sommes tout à fait en phase avec l’approche défendue par l’Efus selon laquelle la prévention doit être intégrée, c’est-à-dire pensée de façon transversale et multisectorielle avec au cœur le principe que la sécurité est un droit du citoyen. 


Salomon Aktan : Dans notre action de fan coaching, mais aussi de prévention de la délinquance au sens large, nous nous sommes inspirés des travaux de l’Efus  tels que GOAL ou le projet de Prix européen des pratiques d’intégration sociale par le sport (note : voir en fin d’article la liste des publications Efus). Ces projets et de façon plus générale notre appartenance à l’Efus nous donnent l’occasion de visiter d’autres dispositifs de prévention dans les villes européennes. Ça nous ouvre des fenêtres et nous permet de montrer ce que nous faisons, c’est donnant-donnant.  

Le volet inverse de la prévention des violences dans le sport est celui de  la prévention de la délinquance par l’intermédiaire du sport… 

Salomon Aktan : Effectivement, notre travail comporte deux volets, l’accompagnement socio-préventif lors des rencontres de football du Standard de Liège, et l’organisation d’activités sportives, culturelles et pédagogiques.

Le second volet consiste à utiliser la force attractive du football pour initier des projets de cohésion sociale et de proximité :

  • Le centre de soutien extrascolaire implanté dans le quartier du stade. (Des professeurs bénévoles, supporters du club, dispensent leur savoir deux fois par semaine aux enfants du quartier.)
  • Younited, destiné aux personnes en situation précaire : il vise leur réinsertion par la pratique du football. (Entraînements hebdomadaires dans le centre d’excellence du club — Académie SL 16 Standard de Liège).
  • Foot Citoyen qui permet à des jeunes des quartiers sensibles de la ville de Liège de rencontrer, au stade, différentes corporations de professionnels, tels que pompiers, police de proximité, agents pénitentiaires, chauffeurs de bus, conseillers municipaux, etc.

Si la sécurité dans et autour des stades est bien meilleure que dans le passé, le foot continue à alimenter des tensions fortes entre certains supporters. Comment expliquez-vous cela et que peuvent faire les collectivités pour les prévenir ? 

Manuel Comeron : La compétition sportive génère des rivalités et depuis l’origine le football, mis en spectacle, produit de l’agressivité entre spectateurs, dégénérant parfois en violences de groupe. La médiatisation apporte aussi une forme de reconnaissance sociale aux groupes les plus radicaux comme les hooligans ou les ultras. Un stade de football est le reflet de la société, et il existe dans notre société une violence qui s’y exprime.

Cela fait émerger aussi le besoin criant de structures de dialogue avec et pour les jeunes. Partout en Europe, les budgets des collectivités sont de plus en plus restreints, ce qui a un impact sur les activités de renforcement de la cohésion sociale. Or je crois que les collectivités, et les autorités publiques de façon plus générale, doivent aujourd’hui impérativement renforcer leurs projets de cohésion sociale en partenariat avec les acteurs de terrain, notamment les clubs de sport et de foot. 

Photo de couverture : © iStock – tomazl

L’Efus a publié plusieurs ouvrages sur la prévention des violences dans et par le sport : 

MATCH-SPORT – Préserver la capacité de cohésion du sport amateur en luttant contre les violences discriminatoires au niveau local (Efus, 2021)

MATCH-SPORT – Rendre le sport amateur plus tolérant en éliminant le racisme et la discrimination. Analyse des violences discriminatoires dans le sport amateur – état de l’art dans 7 pays européens (Efus, 2021)

Pratiques européennes pour l’intégration sociale par le sport (Efus, 2017)

GOAL : prévention de la violence dans le sport – Guide pour les villes (Efus, 2012)

Euro 2000 – les villes contre le racisme (Efus, 2000)