Juillet 2024 – Corine Duitman est directrice du service Sécurité publique de la municipalité de Rotterdam, ville vice-présidente de l’Efus. Forte d’une expérience de plus de 20 ans, elle se positionne résolument en faveur de la coopération européenne sur les questions de sécurité.
Rotterdam est membre de l’Efus depuis des années. Pourquoi est-il important pour vous de faire partie de ce réseau ?
Corinne Duitman : Être membre de l’Efus nous donne accès à une mine de ressources, d’informations et d’expertise qui peut nous aider à nous développer, à innover et à partager les meilleures pratiques. Cela nous permet d’atteindre des objectifs communs de manière plus efficace. L’Efus nous aide à relever les défis, défend nos intérêts à un haut niveau et contribue à nous permettre d’atteindre des objectifs ambitieux. Faire partie de l’Efus peut améliorer considérablement nos capacités, notre portée et notre impact.
Quelles sont les trois priorités actuelles de Rotterdam en matière de sécurité ?
Ces dernières années, l’essor de la criminalité liée à la drogue, de la délinquance juvénile et des troubles sociaux est devenu une préoccupation majeure. Cela menace non seulement la sécurité publique, mais aussi le tissu même de notre société.
La criminalité liée à la drogue a connu une forte augmentation, en raison de la prolifération des substances illégales et des réseaux qui les distribuent. En effet, au niveau européen, 38% de tous les crimes commis dans l’UE sont liés au trafic international de stupéfiants. Les conséquences sont considérables et touchent non seulement les individus directement impliqués, mais aussi leur famille et toute leur communauté. La violence liée au trafic de drogue est une menace directe pour notre sécurité.
La délinquance juvénile est une autre tendance préoccupante. De nombreux jeunes, souvent issus de milieux marginalisés, se retrouvent entraînés dans des activités criminelles. Parmi les facteurs qui contribuent à ce phénomène figurent le manque d’opportunités en matière d’éducation et d’emploi, l’instabilité familiale et l’influence des gangs. L’implication des jeunes dans la criminalité non seulement menace leur avenir mais aussi perpétue un cycle de violence et de criminalité qu’il est difficile de briser.
« Les discussions sur l’intégration, l’immigration, la religion et la culture sont plus intenses. Il y a de moins en moins d’espace pour la modération d’un côté comme de l’autre ».
Les désordres sociaux, souvent alimentés par l’inégalité économique et la discrimination, exacerbent cette situation. Les manifestations et la désobéissance civile, si elles sont parfois nécessaires pour défendre des revendications légitimes, peuvent dégérer en émeutes et en confrontations violentes si on ne les gère pas bien.
De plus, les débats ou les conflits qui ont lieu à l’étranger génèrent des tensions et de la polarisation à Rotterdam. Les discussions sur les thèmes de l’intégration, de l’immigration, de la religion et de la culture sont plus intenses. Le fossé entre les gens se creuse, ce qui renforce l’incompréhension mutuelle. Il semble qu’il y ait de moins en moins d’espace pour la modération d’un côté comme de l’autre.
La montée de la criminalité liée aux drogues, la délinquance juvénile et les troubles sociaux présentent un défi complexe qui demande des efforts coordonnées. En s’attaquant aux causes profondes et en promouvant un environnement plus sûr et plus inclusif, nous pouvons espérer réduire ces tensions et construire une société locale plus résiliente.
Rotterdam a appelé à la création d’une coalition des ports européens contre les drogues. Pensez-vous que les villes, si elles s’allient, peuvent agir efficacement contre la criminalité organisée ?
À Rotterdam, nous pensons en effet que les villes portuaires européennes doivent coopérer davantage. Le transport de drogue ne s’arrête pas aux frontières et les drogues importées ne restent pas dans les pays où elles arrivent. Toute l’Europe fait tôt ou tard l’expérience des conséquences horribles des drogues qui entrent en Europe par ses ports. Nous savons bien qu’une grande partie de la criminalité est liée aux drogues. Les villes qui collaborent peuvent ainsi être plus efficaces dans la lutte contre le crime organisé. En travaillant ensemble, elles peuvent partager des informations, des ressources, des bonnes pratiques et créer un front commun contre les réseaux criminels.
La collaboration permet de travailler de façon plus approfondie et efficace, par exemple en menant des opérations conjointes qui sont essentielles pour faire face à la nature complexe et souvent internationale de la criminalité organisée.