Vous venez d’être élu président de l’Efus. Quelle importance ce rôle a-t-il pour vous ?
Willy Demeyer : La sécurité d’existence représente l’un des besoins majeurs des citoyens, que ce soit en termes économiques ou de qualité de vie. Dans cette optique, le sentiment de bien-être et d’appartenance que l’on peut ressentir dans sa ville, son quartier, est primordial.
Toutefois, cela recouvre de nombreux champs d’intervention pour les autorités locales. Pouvoir échanger, comparer ou innover avec d’autres villes au niveau européen est une richesse et permet d’avancer mieux et plus vite et ce, au bénéfice des habitants et usagers des villes.
Comment envisagez-vous votre mandat ? Quelles orientations souhaitez-vous donner au réseau ? Quels chantiers entendez-vous mener ?
Dans mon action locale depuis plus de 20 ans, j’ai développé une certaine expertise sur trois thématiques : la culture comme facteur d’émancipation et d’appartenance à la communauté ; la toxicomanie dans ses dimensions de réduction des risques, de soins, d’encadrement et de soutien aux familles ; les politiques de sécurité, notamment en matière de terrorisme (je suis membre de la Commission fédérale belge sur les attentats du 22 mars) ou de police, notamment en termes de proximité ou de prévention.
Je souhaite profiter encore davantage de l’expérience du Forum sur ces thèmes mais je compte également sur cette présidence pour aborder de nouvelles dimensions notamment au niveau de l’Union européenne et des différents programmes qui sont proposés.
La Ville de Liège est adhérente à l’Efus depuis plus de 20 ans. En tant qu’élu local, que représente pour vous l’adhésion de Liège au réseau ?
Elle nous a permis de développer notre politique de prévention et de sécurité de manière plus complète. Les échanges au sein des villes nous ont permis d’apprendre, d’élargir nos approches, de les professionnaliser et cela dans un climat de travail toujours très constructif et convivial.
Estimez-vous que depuis quelques années, les instances nationales et européennes prennent davantage en compte le rôle du niveau local et régional en matière de prévention de la délinquance ?
Je crois qu’après une longue période de centralisation, on revient dans de nombreux domaines à une dimension beaucoup plus locale et proche des citoyens. Ceux-ci ont besoin de pouvoir interpeller et échanger avec leurs élus notamment sur ce qui constitue leur réalité quotidienne.
Les incivilités et la petite criminalité urbaine jouent un rôle majeur dans le sentiment de sécurité des citoyens. Les réponses à y apporter en matière de prévention, de répression et de réparations doivent être inscrites dans la réalité locale pour porter leurs fruits et ne pas donner aux citoyens le sentiment que leurs demandes ne sont pas rencontrées. Il en va de la cohésion sociale de nos villes.
L’Union européenne est aujourd’hui battue en brèche, avec le Brexit et la montée des nationalismes dans plusieurs états membres. Comment continuer à promouvoir le projet européen et la coopération ?
Face aux nationalismes et à la tentation des extrêmes, il faut renforcer la présence sur le terrain. Pour ma part, j’essaye toujours d’envisager les problèmes de manière pragmatique et respectueuse de la dignité des personnes. Je crois fermement aux vertus du dialogue et au respect que l’on accorde à son interlocuteur.
Les projets soutenus par la Commission européenne nous donnent l’occasion d’amener l’Europe auprès des citoyens et de leur réalité quotidienne. Lorsqu’ils perçoivent les résultats de ces projets, qu’ils soient sociaux (Sécu-Cités, Goal, Liaise..) ou axés sur des infrastructures (Feder), cela permet de mieux appréhender les richesses de la mutualisation des ressources.
La coproduction des politiques de sécurité urbaine sera au cœur de la sixième conférence internationale de l’Efus, « Sécurité, Démocratie & Villes » qui aura lieu du 15 au 17 novembre à Barcelone. En quoi ce sujet est-il important ?
Face à la restructuration des moyens publics qui touche l’ensemble des pays européens, il est plus que jamais urgent que les États anticipent, avec une vision démocratique, de quelle manière nous pouvons au mieux répartir les effectifs et les ressources disponibles en matière de prévention et de sécurité.
La coproduction peut être une réponse pragmatique à ces défis tout en permettant une réflexion en profondeur sur la professionnalisation nécessaire aux missions de surveillance et de prévention. J’attends beaucoup de cette conférence, qui nous permettra d’échanger des idées nouvelles et des pratiques. Tous les pays d’Europe n’abordent pas ces problématiques de la même manière et il est donc très enrichissant d’échanger.
L’Efus fête cette année ses 30 ans d’existence. Quels souvenirs vous ont le plus marqué ?
Ma première pensée va évidemment à Gilbert Bonnemaison qui fut véritablement un pionnier pour le jeune élu que j’étais alors. Il a réussi à amener la dimension de la prévention et de la collaboration en matière de sécurité au niveau local. Son action a permis dans de nombreuses villes de décloisonner les interventions et ainsi d’améliorer l’action publique sur des sujets qui étaient jusqu’alors ignorés.
La Conférence de Naples en 2000 fut également un grand moment avec la rédaction d’un premier manifeste européen, dont aujourd’hui encore nous tirons enseignement.
Les échanges dans le cadre de la Coupe du Monde de Football ou les Euro restent aussi des souvenirs importants.
Enfin, avoir eu la chance de collaborer avec Michel Marcus fut un plaisir immense. Son talent oratoire, sa vision des dimensions de la sécurité et des libertés en Europe ont souvent éclairé mon action à Liège.
C’est donc avec plaisir et une immense fierté que j’ai accepté de proposer la candidature de la Ville de Liège à la présidence de l’Efus.
Ce sera pour moi l’occasion de nouveaux apprentissages à l’heure où les défis de nos villes et métropoles requièrent toute l’attention des autorités publiques.