Barcelone (Espagne), février 2017 — Élaborer les politiques publiques n’est pas chose facile. En théorie, cela nécessite d’établir un diagnostic sur lequel des objectifs et des actions peuvent être conçus et mis en oeuvre, avant d’en évaluer les résultats. Outre les outils et instruments dont disposaient déjà les administrations publiques, les réseaux sociaux sont apparus ces dernières années comme des éléments nouveaux qui peuvent être utilisés à chaque phase de l’élaboration des politiques publiques. En effet, ils favorisent la collecte des données et une meilleure qualité des informations utilisées pour le diagnostic et l’évaluation, ce qui ouvre la voie à de nouveaux types d’action.
En ce qui concerne l’élaboration des politiques de sécurité, un bon diagnostic comprend des mesures des différents niveaux de sécurité, tant objectif que subjectif, au sein de la société. Ces deux éléments peuvent aussi être utilisés comme critères d’évaluation des résultats des politiques déjà mises en oeuvre.
Améliorer la mesure de la sécurité objective
Pour mesurer la sécurité objective, la donnée la plus utilisée concerne le nombre de crimes et délits enregistrés par la police. Mais il convient de prendre en compte les limitations inhérentes à ce type de données lorsqu’on les analyse et les compare. La principale est le sous-signalement : tous les crimes et délits ne sont pas signalés à la police, entre autres parce que les victimes ne les considèrent pas suffisamment importants, ou elles ne savent pas qu’il s’agit d’un délit, ou encore parce qu’elles n’ont pas confiance dans les institutions policières ou judiciaires.
En complément de ce « chiffre noir » de la criminalité (ou plutôt ces chiffres noirs au pluriel car le pourcentage de délits non signalés à la police varie considérablement selon leur nature), il faut prendre en compte d’autres facteurs lorsqu’on interprète les statistiques de police. Deux sont particulièrement importants : les erreurs dans la saisie des données et les informations incorrectes fournies par le plaignant (par ignorance ou qu’il s’agisse d’erreurs non détectées).
Certaines initiatives liées aux réseaux sociaux peuvent compléter ou améliorer la collecte de données telle qu’utilisée actuellement pour mesurer la sécurité objective. Certaines ont été présentées lors de l’atelier « Everyday Security » organisé par le Forum européen pour la sécurité urbaine (Efus) dans le cadre du projet Medi@4sec, en novembre 2017 à Barcelone.
Certaines initiatives d’utilisation des réseaux sociaux par la police, comme par exemple la police régionale de Catalogne, les Mossos d’Esquadra, peuvent amener les citoyens à considérer celle-ci comme plus proche de la population, ce qui peut améliorer la confiance dans la police et réduire ainsi le nombre de personnes qui ne signalent pas un délit. De plus, les interactions avec la police via les réseaux sociaux permettent d’obtenir des indicateurs de mesure de l’efficacité de certaines politiques.
Des applications pour lutter contre le sous-signalement
Les applications mobiles déployées par certaines forces de police, comme M7 ou BART!, constituent de nouveaux canaux de communication qui, outre qu’ils renforcent la confiance dans les institutions, peuvent conduire à une augmentation du nombre de plaintes déposées. De plus, si ces applications facilitent les dépôts de plainte et sont synchronisées avec les appareils mobiles, le nombre d’erreurs de saisie pourrait être réduit.
Outre l’utilisation des réseaux sociaux pour collecter des informations ou dans le cadre d’enquêtes criminelles, on peut raisonnablement envisager de suivre les réseaux sociaux pour détecter des crimes qui n’ont pas été dénoncés. Cette option est toutefois encore limitée parce que l’information publiée sur les réseaux sociaux est habituellement plus incomplète que celle donnée dans le cadre d’un signalement (en particulier, sur Twitter, à cause du nombre de caractères limités dans un message ou du petit nombre de messages qui sont géolocalisés).
Mesurer le sentiment subjectif de sécurité
Les enquêtes de victimation demeurent les outils les plus utiles pour révéler en partie les chiffres noirs de la criminalité. De plus, elles permettent de réunir des informations sur le sentiment subjectif de sécurité de la population. Mais elles ne sont pas non plus parfaites, notamment en raison du coût des études basées sur un échantillon représentatif de la population de tout un territoire et de la difficulté à comparer ces résultats avec les statistiques de police. Mais même si les questions de méthode et de représentativité de la population demandent une analyse plus détaillée, les réseaux sociaux peuvent contribuer à mesurer la sécurité subjective grâce à l’analyse des perceptions, soit par un monitoring plus ou moins constant, soit en cas d’événement ponctuel tel que les manifestations ou les émeutes. Ces médias peuvent aussi mesurer si les messages diffusés par la police ont un effet sur le sentiment de sécurité des destinataires.
Nous ne savons pas pour combien de temps les réseaux sociaux demeureront parmi nous, mais le fait qu’ils sont largement adoptés par les citoyens doit amener les administrations à les prendre en compte lorsqu’elles mettent en oeuvre leurs politiques, y compris celles de sécurité. Dans ce sens, des projets tels que Media@4sec ont une importance vitale pour analyser leur influence et leur utilité pour l’élaboration d’actions publiques liées à la sécurité.
Santi Herrero Blanco- Analyst Department of Interior- Generalitat of Catalonia
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Pour plus d’information sur le projet Medi@4sec voir ici
MEDI@4SEC est co-financé par le Programme de recherche Horizon 2020 de l’Union européenne.