Paris, France, janvier 2021 – Dans le cadre du projet européen MATCH-SPORT, l’Efus, en collaboration étroite avec les partenaires du projet, a mené une étude sur le niveau de sensibilisation et les actions existantes en matière de prévention des violences discriminatoires dans le sport amateur dans différents pays européens. Ce regard croisé à travers sept pays et trois niveaux territoriaux (européen, national et local) a permis d’identifier les chantiers de travail pour les actions locales du projet et de faire un état des lieux des ressources existantes dans les différents échelons de gouvernance.
Union européenne : une sensibilisation croissante à la dimension inclusive du sport amateur
Jusqu’à la ratification du Traité de Lisbonne en 2009, l’Union européenne n’avait pas de compétence spécifique en matière de sport. Appuyé sur le plan d’action Pierre de Coubertin (qui établit pour la première fois dans l’UE les bases du développement d’une réelle stratégie pour le sport), le Traité permet à l’Union de prendre des mesures pour promouvoir ou compléter les actions menées dans le cadre des politiques intérieures des États Membres. Les deux premiers paragraphes de l’article 165 sont particulièrement intéressants et définissent les actions qui seront prises par la suite au niveau de l’UE : ils soulignent l’importance du « rôle éducatif et social du sport », établissent la mission de « développer la dimension européenne du sport » (renforcée par la publication de la communication de la Commission européenne de janvier 2011) et demandent aux États membres de « promouvoir l’équité et l’ouverture du sport » ainsi que de « protéger l’intégrité physique et morale des sportifs ».
Deux plans d’action sur le sport
Cette avancée établira une base juridique pour le soutien financier et structurel des politiques nationales du sport qui évolueront ensuite en programmes d’action tels que le programme de financement Erasmus+ ou la Semaine Européenne du Sport. Enfin, elle a permis à l’Union européenne de développer davantage sa politique sportive grâce à deux plans d’action (2014-2017 et 2017-2020). Le plus récent reconnaît la nécessité de renforcer les outils de gouvernance du sport afin de le rendre plus inclusif et souligne l’importance du rôle des entraîneurs, des directeurs de clubs et des arbitres pour atteindre cet objectif.
Prise de conscience et action dans les pays
En parallèle au développement du cadre européen, les États membres commencent aussi à prendre conscience de l’importance du sport comme vecteur d’inclusion sociale mais aussi des problèmes qui freinent ces efforts, tels que les violences discriminatoires de tout type. L’accent est dans un premier temps porté sur le football, notamment professionnel, et en particulier les incidents de racisme. Ce phénomène, sans doute exacerbé par les médias et la popularité du football en Europe, amène les différents États membres à mettre en place des actions qui par extension vont aussi aider à lutter contre les violences discriminatoires en général, dans tous les sports et tous les niveaux (professionnel ou amateur).
Quatre types d’action au niveau national
Nous avons classé les actions menées au niveau national en quatre types : l’adoption d’un code éthique national pour le sport (comme celui adopté par le Portugal en 2014 ou la France en 2012), la création d’une nouvelle réglementation (au début très centrée sur le hooliganisme mais qui a été récemment élargie aux délits de haine), la mise en place de stratégies de prévention (par exemple avec la création d’agences nationales spécialisées ou l’émission de recommandations aux fédérations régionales) et la promotion de campagnes de sensibilisation (comme la Action Week Against Racism de l’UNAR ou This Girl Can do Sport England). Toutes ces actions aident d’une façon ou d’une autre à encadrer ou soutenir les stratégies menées au niveau local qui, dû à sa proximité aux ressources et à la connaissance directe de la problématique, est le terrain par excellence de promotion de la prévention de la violence discriminatoire dans le sport amateur.
Acteurs locaux : des niveaux de sensibilisation très variés
Au niveau local, nous nous sommes centrés sur deux grandes questions : Quels sont les de mesure de la fréquence et de l’impact des comportements discriminatoires ? Quel est le niveau de sensibilisation des acteurs locaux à la problématique ?
Sur la question de la mesure des incidents discriminatoires dans le sport amateur, les résultats de l’analyse nous portent à conclure qu’il existe, en général, de grandes difficultés dans la récolte de données brutes. Tout d’abord parce qu’il n’existe pas de qualification précise et universelle sur ce qui constitue un incident discriminatoire. Par conséquent, l’obtention des données est soumise dès le départ à un biais d’appréciation de la personne chargée de qualifier l’incident. Deuxièmement, il n’existe pas, en règle générale, un moyen de récolte standardisé qui permette de comparer des données de caractéristiques différentes, ce qui engendre une sous ou une sur-représentativité de certaines disciplines sportives qui ont des méthodes de récolte propres (comme c’est souvent le cas pour les fédérations de football). En troisième lieu, si certains sports n’ont pas investi dans la mise en place d’une méthode de récolte standardisée, c’est aussi par peur d’attirer l’attention du public – les familles, voire les médias – sur des phénomènes qui pourraient sensiblement affecter les taux d’adhésion aux clubs.
Questions sur l’usage et la capitalisation des données
En lien avec les questions sur la récolte, il existe aussi d’importants problèmes liés à l’usage et la capitalisation de ces données. En général, les données effectivement recueillies manquent d’intérêt pratique pour les clubs et associations locaux. Elles sont plutôt destinées aux instances de gouvernance régionales et nationales avec l’objectif de favoriser une évolution des politiques publiques plutôt que de servir de base pour renforcer les capacités des acteurs de terrain par des formations ou des campagnes de sensibilisation ciblées, par exemple.
Au vu de ce constat, le consensus parmi les partenaires du projet est qu’il conviendrait de favoriser la création d’observatoires sur la violence discriminatoire dans le sport amateur qui pourraient agréger des données provenant de différentes sources (clubs mais aussi policières ou judiciaires, par exemple) et produire des outils pratiques et intéressants pour tous les acteurs et niveaux concernés.
Des contextes variés qui influent sur la prise de conscience
Enfin, même si on constate une plus grande sensibilisation parmi les acteurs du sport amateur et la mise en place d’actions de prévention au niveau local, l’analyse a fait remonter des résultats très variés qui dépendent pour beaucoup de différents facteurs. Le premier est le contexte, qu’il s’agisse du pays, de la région, de la ville ou du club, le niveau de mixité sociale et culturelle, ou encore l’effet des médias. Le deuxième est lié à la culture du club lui-même et au discours qui accompagne les incidents de violence discriminatoire, que certains clubs considèrent comme « normaux » parce que liés à l’esprit de compétition ou à des comportements propres à l’enfance et que donc ils tolèrent. Troisièmement, nous avons observé des degrés très variés de sensibilisation entre les différents sports mais aussi entre les victimes et les types de discriminations, qui correspondent aux évolutions sociales de ces dernières années. On peut dire, sans faire de généralisation abusive, que la société est davantage sensibilisée au racisme qu’à d’autres discriminations telles que l’homophobie, en raison, entre autres de la dimension historique de la lutte anti-raciste.
La version intégrale de l’étude état-de-l’art du projet MATCH-SPORT sera publiée dans les semaines à venir sur Efus Network et sur la page web du projet