Partenaire du projet PACTESUR (« Protéger des villes alliées contre le terrorisme en assurant la sécurité des zones urbaines ») mené par la ville de Nice (FR), l’Efus publie une série d’articles préparés par les experts du projet afin de contribuer au débat européen sur la protection des espaces publics contre la menace terroriste.
Le Covid-19, ou plus précisément la crainte d’être infecté par un virus qui se propage rapidement et peut être fatal, a changé radicalement nos vies, nos économies, nos relations, nos espaces et nos sentiments d’angoisse, de plaisir et de sécurité. Si la pandémie nous affecte tous, son impact est ressenti de façon particulièrement forte dans les villes et les espaces publics urbains. Dans le monde entier, les rues de nos villes, les places et les espaces verts sont désertés. Les foules et le trafic ont disparu. Les touristes sont absents et la plupart des citadins sont calfeutrés chez eux. La police et autres services patrouillent les espaces urbains vides à pied, à cheval, en voiture, avec des drones, des robots, des caméras de surveillance et des applications mobiles. Ces rues vides où l’on croise quelques rares passants qui se tiennent à distance les uns des autres, le visage couvert par un masque, ont transformé nos espaces publics, devenus irréels, voire parfois cauchemardesques.
En même temps, les espaces publics sont davantage contrôlés alors que la distanciation physique a vidé les noeuds urbains – les gares, aéroports, le métro, les tramways, les boulevards, places et immeubles de bureaux. La menace extrémiste telle que nous la connaissions est pour un temps réduite. La sécurité publique a désormais une facette qui avait été longtemps ignorée : celle de la santé publique, menacée par une propagation involontaire mais aussi potentiellement préméditée (par exemple si des individus toussent ou crachent délibérément sur des personnes), en plus des menaces contre l’environnement, le terrorisme, la criminalité et les accidents. Nos villes, en tant qu’ensembles sociaux et matériels, ont montré leur peu de résilience face à cette menace inattendue. Dans beaucoup de villes européennes, la crise du coronavirus a révélé la fragilité de nos systèmes de gestion de la santé publique.
Alors que les mesures de confinement commencent à être levées dans de nombreux pays européens, les autorités locales doivent relever le défi du retour à la vie publique dans les espaces publics en cette période d’après-Covid, mais aussi en saisir les nouvelles opportunités. Nous pouvons formuler un certain nombre de recommandations pour les autorités locales qui, nous semble-t-il, peuvent contribuer à résoudre des problèmes émergents mais aussi tirer parti de nouvelles opportunités et rendre nos espaces urbains plus résilients :
- Rétablir la confiance et lutter contre une xénophobie croissante : la distanciation physique crée de plus en plus de séparation et de distanciation sociale au niveau local, national et international.
- Une meilleure coordination et coopération entre les villes et les autres acteurs de la santé publique : il conviendrait d’évaluer les risques ensemble et d’actualiser les stratégies de gestion de la sécurité publique, y compris la santé publique.
- Améliorer les informations et réagir de façon fiable et directe aux informations erronées et aux fake news : de nouvelles task forces spécialisées en médias à l’échelle locale et nationale doivent répondre aux attaques en matière d’information biologique.
- Un usage raisonnable et efficace des technologies : la reconnaissance faciale, qui est populaire, est moins efficace maintenant que l’on demande à la population de porter un masque. On peut appliquer des solutions innovantes telles que la biocinétique et autres technologies intelligentes. En même temps, il convient de limiter au strict minimum tout contrôle autoritaire et usage excessif et anti-démocratique de ces technologies.
- Une revitalisation en profondeur et cohérente des espaces publics à l’ère post-Covid ne doit pas seulement être centrée sur le changement climatique et les systèmes de mobilité, tel qu’annoncé par de nombreuses autorités locales. La transformation holistique des espaces et modes de vie urbains doit incorporer les questions de sécurité publique et en faire une priorité.
Parce qu’elles nécessitent de s’isoler et de se « distancier socialement », les pandémies sont par nature « anti-urbaines » et « anti-public ». Cela va à l’encontre de notre désir fondamentalement urbain d’être en contact les uns avec les autres, mais aussi de la façon dont les villes et les espaces publics sont construits et conçus, c’est-à-dire précisément pour un usage collectif. Le grand défi est donc de construire de nouveaux espaces publics qui soient à la fois plus sains, plus sûrs, plus équipés, plus verts et plus justes tout en demeurant collectifs, interactifs, civiques et par excellence urbains.
* Mariusz Czepczyński est professeur à l’Institut de Géographie de l’Université de Gdansk (Pologne) et professeur invité à l’Université de Tübingen (Allemagne) et à l’Université de Rome Tor Vergata. Il a été conseiller en chef du maire de Gdansk de 2010 à 2019.
> Pour en savoir plus sur le projet PACTESUR
> Si vous êtes intéressés, vous pouvez contacter Tatiana Morales (morales@efus.eu) ou Martí Navarro Regàs (navarroregas@efus.eu)