Cassel, Allemagne, octobre 2020 – Le 25e Congrès allemand de la prévention, qui était accueillie par la ville de Cassel et a eu lieu en ligne les 28 et 29 septembre, était consacré à l’impact de la révolution numérique sur la sécurité urbaine et aux conséquences de la crise du Covid-19 sur la gestion des villes.Créé en 1995, le Congrès allemand de la prévention (DPT) est la plus grande conférence du monde sur la prévention de la criminalité et les domaines qui y sont liés. L’Efus et le Forum allemand DEFUS en sont partenaires de longue date.
Enrichir le travail en cours sur la sécurité et l’innovation
Cette année, l’Efus a participé à l’événement afin d’enrichir ses connaissances ainsi que le travail qu’il mène en matière de sécurité et d’innovation, notamment au travers de son groupe de travail éponyme. Les deux journées d’échange ont aussi alimenté le travail que mène l’Efus en tant que partenaire du projet européen Cutting Crime Impact, qui cherche à développer des outils innovants pour réduire le sentiment d’insécurité lié à la petite délinquance.
Travailler à une vision de la « prévention intelligente »
La numérisation affecte tous les aspects de la vie, et notamment les défis à la sécurité urbaine, qui évoluent constamment, et les réponses préventives. Les nouveaux problèmes appellent de nouvelles solutions et s’il en existe beaucoup, notre compréhension de celles-ci évolue. Le Congrès allemand de la prévention était donc consacré à ce domaine, dans le but d’avancer vers une vision de ce que pourrait être la « prévention intelligente » (smart prevention).
L’Efus a participé à deux événements :
● La séance d’ouverture sur la prévention intelligente avec Johannes Baldauf (Facebook), Markus Beckedahl (Netzpolitik – une plateforme en ligne pour le droit numérique à la liberté), Matthias Heeder (réalisateur de films à Rhizomfilm) et Gesa Stückmann (juriste). Les intervenants ont débattu des opportunités et des risques présentés par les technologies numériques et des nouvelles formes « intelligentes » de prévention peuvent y répondre.
● Un webinaire sur la prévention intelligente, et notamment la question de la police prédictive et du respect des droits humains, animé par Ingrid Bausch-Gall (Amnesty International).
La police prédictive en question
Les intervenants et les participants à ces deux événements ont remarqué qu’il existe deux modèles de police prédictive. Le premier est fondé sur les données géo-spatiales et cherche à prévoir les lieux où se produiront probablement les délits, en particulier les cambriolages à domicile. Le second modèle utilise des données liées aux attributs personnels et est censé identifier les individus qui risquent d’être soit victimes, soit auteurs de crimes et délits. Si les deux approches comportent un risque de stigmatisation de certains groupes de population, c’est le deuxième qui est considéré comme étant le plus problématique.
Comme pour toute technologie d’aide à la décision (voire, dans certains pays, de prise de décision), la police prédictive ne vaut que par la qualité des informations qui alimentent le système pendant que celui-ci est en cours d’ « apprentissage ». Dans son webinaire, la mathématicienne Ingrid Bausch Gall (aujourd’hui à la retraite) a souligné un certain nombre de questions qui demandent une réponse : d’où proviennent ces données ? Dans quel but ont-elles été collectées ? À qui appartiennent-elles ?
Une nouvelle façon de collecter des données – Une nouvelle façon de répondre aux menaces ?
Ces questions en lèvent une autre : que faire avec l’information donnée par l’algorithme de police prédictive ? Matthias Heeder et Markus Beckedahl estiment l’un et l’autre que la technologie ne remplace pas les ressources humaines. La plupart du temps, la police patrouille davantage dans les quartiers identifiés comme étant à risque. Mais cela lève la question de savoir si ce type de réponse n’a pas des conséquences non désirées sur d’autres domaines ou bien si cela ne grève pas les ressources limitées de la police.
Le panel a aussi examiné si un renforcement de la présence policière est une réponse adéquate. Dans sa forme actuelle, la police prédictive s’attache à intervenir en cas d’activité criminelle mais ne s’occupe pas de prévention sociale, même si celle-ci peut avoir un effet préventif à plus long terme.
Quelles mesures pour réduire les risques ?
Ingrid Bausch-Gall a présenté une série de recommandations pour limiter les risques que la police prédictive pose en termes de respect des droits humains tels que le droit à la vie privée, la protection des données et le droit à la non-discrimination. En matière de développement des algorithmes de police prédictive, les mesures de sauvegarde comprennent la vérifiabilité et la mise en place d’évaluateurs indépendants et d’équipes de développement diverses et pluridisciplinaires, comprenant notamment des membres de la société civile.
En ce qui concerne le déploiement de la technologie, elle doit être facile d’usage et pas seulement accessible aux experts. La police doit afficher clairement ses objectifs et examiner les résultats avec esprit critique et sans préjugé.
Le projet CCI et la police prédictive
L’Efus travaille sur les atouts et les faiblesses de la police prédictive en matière de sécurité urbaine parce que dans plusieurs pays européens la police travaille déjà avec ce modèle ou est en train d’en développer un. Cette technologie est l’un des domaines de travail du projet Cutting Crime Impact et au cours des deux dernières années, les partenaires du projet ont étudié divers modèles de police prédictive actuellement utilisés en Europe.
> Plus d’informations sur le groupe de travail Sécurité & Innovation sur Efus Network