Avec une population de quelque 100 000 habitants, Louvain est la capitale de la province du Brabant flamand, en Belgique. Ville diverse où 31,5% de la population est d’origine étrangère, Louvain a aussi été nommée Capitale européenne de l’Innovation 2020 par la Commission européenne. L’Efus a rencontré son maire, Mohamed Ridouani.
Êtes-vous confronté à Louvain à des phénomènes de polarisation et de discrimination comme d’autres villes européennes ?
Mohamed Ridouani : la polarisation augmente partout en Europe, ce qui crée davantage de discriminations et de divisions et même de haine dans la société. Notre profonde conviction est que nous connecter les uns aux autres, être simplement ensemble peut contrer ce phénomène. Nous considérons que la diversité est un moteur pour le changement positif et nous prenons soin les uns des autres, quelles que soient nos origines. Mais cela demande un travail acharné de la part de nombreux citoyens, d’organisations et d’entreprises.
L’audit de polarisation de Louvain a montré que ce phénomène n’est pas un problème ici. Pensez-vous que ce bon résultat est lié aux efforts de Louvain pour renforcer la cohésion sociale ?
En effet, l’audit a montré que Louvain bénéficie d’un niveau élevé de cohésion sociale, de diversité et de tolérance. C’est important pour protéger la ville de la polarisation et de l’extrémisme. La cohésion sociale est aussi renforcée par le travail quotidien de l’administration municipale. Nous travaillons de façon proche des citoyens, que nous considérons comme des partenaires dans le cadre d’une approche globale et intégrée. Il y a une coopération étroite entre les différents services, tels que le travail communautaire, la police, la prévention et le travail avec les jeunes, ce qui nous permet d’intervenir avant que les problèmes n’apparaissent. Et lorsqu’ils apparaissent, nous répondons avec une approche rapide et intégrée.
De plus, Louvain est très engagée envers les projets et initiatives qui renforcent la cohésion sociale, tels que Stand up for your neighbourhood (« soyez solidaire avec votre quartier »), qui permet aux habitants d’améliorer leur vie locale et leur quartier et qui dure depuis vingt ans déjà. Il en existe bien d’autres, certains très localisés et d’autres de grande ampleur, qui sont gérés par les citoyens eux-mêmes et qui peuvent être financés par la municipalité à hauteur de 18 600€. De plus, de nombreuses organisations, en dehors de la municipalité, développent des initiatives, et il existe de nombreuses associations opérant dans des domaines très variés. Notre ville a toujours été une sorte de laboratoire d’innovation sociale, y compris dans les domaines de la sécurité et de la justice.
Avez-vous des politiques spécifiquement destinées à prévenir ou combattre l’intolérance et l’extrémisme ?
Nous avons un organe consultatif local, l’Unité locale de sécurité intégrée (LIVC-R selon le sigle en flamand). Il est chargé de développer une politique de sécurité intégrale et intégrée au niveau local, liée à une approche générale des problèmes et des phénomènes qui peuvent jouer un rôle dans la radicalisation violente. Concrètement, il s’agit de suivre le plan d’action Prévention de la Radicalisation Problématique, notamment en matière de prévention du racisme, de l’exclusion et de la violence, de détection précoce de la polarisation et de la radicalisation, ainsi qu’une approche personnalisée (gestion des cas) des Combattants Terroristes Étrangers (potentiels) et des Combattants Terroristes Locaux. Le LIVC-R a aussi pour mission de coopérer et d’échanger des informations avec le gouvernement local et les partenaires locaux opérant dans les secteurs de la sécurité et des affaires sociales.
La mairie de Louvain a aussi mis en place des projets sur l’inclusion, tels que Roots et Casablanca goes to Casablanca…
Roots a été initié en réponse au nombre croissant de réfugiés à Louvain, qui étaient vulnérables à l’exclusion sociale, la solitude, les trafiquants de drogue… Nous avons ouvert une maison de la jeunesse offrant des activités de loisirs et une assistance en matière de logement, de travail, d’éducation, etc. L’objectif est d’encourager les réfugiés, en particulier les jeunes, à participer à la vie locale. Notamment, le projet offre aux jeunes des opportunités de travail volontaire, ce qui leur permet d’entrer en contact avec leurs pairs, d’acquérir des compétences et de pratiquer la langue flamande. Roots Louvain organise des événements culturels tout au long de l’année pour célébrer la culture des réfugiés et leur permettre d’établir des relations avec la population locale.
Casablanca goes to Casablanca (« Casablanca va à Casablanca ») est un projet de quartier qui s’adresse aux jeunes d’origine immigrée qui se sentaient victimisés. Nous avons travaillé pour les aider à fixer des buts de vie à long terme et leur donner des moyens pour les atteindre, pour améliorer leur image d’eux-mêmes, améliorer leurs relations avec la police, mais aussi contribuer en aidant à financer un orphelinat au Maroc.
Comment encouragez-vous la participation citoyenne ?
Les conflits ou les tensions dans la société ne doivent pas être considérés comme des menaces ou des dangers qu’il faut contrôler par le haut. L’important, plutôt, c’est la résilience et la capacité des citoyens et des communautés locales à faire face aux problèmes et de trouver des solutions. Nous aidons à cela par exemple en offrant des services de médiation.
Mais les conflits offrent aussi des opportunités de croissance pour les gens et leur environnement. À cet égard, une initiative importante est le projet Leuven Restorative City, qui réunit de nombreuses organisations sociales, culturelles et éducatives locales ainsi que des représentants de la mairie dans le but de résoudre les conflits par une approche fondée sur les pratiques de la justice restaurative.
Louvain est partenaire du projet BRIDGE que mène l’Efus sur la prévention de la polarisation. Quelle est la valeur ajoutée de ce type de projet de coopération européenne pour Louvain ?
Il est très intéressant d’échanger des idées avec d’autres villes européennes et d’apprendre de leurs bonnes pratiques. Au travers de BRIDGE, nous avons eu l’occasion de réaliser un audit de polarisation, ce que nous n’avions jamais fait, et d’élaborer un projet pilote qui pourrait devenir permanent si les résultats sont positifs.
Quel serait votre message pour les autres villes membres de l’Efus sur les questions de polarisation et d’intolérance ?
Il est vital de maintenir la cohésion sociale, ce qui demande une approche cohérente et à long terme.