Paris, France, janvier 2020 – Les Forums européen (Efus) et belge (FBPSU) ont organisé le 14 janvier une visite de la salle de consommation à moindre risque (SCMR) de Paris pour une délégation de représentants des villes belges de Bruxelles, Liège et Molenbeek.* La SCMR de Paris est l’une des deux salles existant en France avec celle de Strasbourg, toutes deux ouvertes à l’automne 2016. La Belgique dispose d’une seule SCMR, à Liège, depuis septembre 2018.
> Une visite qui s’inscrit dans la lignée du récent projet SOLIDIFY
Les villes de Paris, Bruxelles et Liège ont participé au projet européen SOLIDIFY sur l’impact local des SCMR, qui a tenu sa conférence finale en décembre à Lisbonne (PT). Le projet réunissait un total de 12 partenaires (villes européennes mais aussi une association et l’agence de santé publique de Barcelone).
Lancé en janvier 2018, SOLIDIFY a examiné l’implantation (installation et pérennisation) des SCMR dans plusieurs villes européennes et l’évaluation de leur impact local. À l’issue du projet, les partenaires se sont unanimement accordés sur trois principes clés :
- Les politiques de la drogue doivent être pragmatiques et avoir pour objectif de réduire les risques que la consommation pose en termes de santé, de bien-être social et de sécurité des individus, des communautés et de la société. Elles doivent être élaborées en prenant en compte les besoins sur le terrain qui sont spécifiques à chaque ville et chaque région.
- Les salles de consommation à moindre risque (SCMR) se sont avérées être des outils efficaces pour améliorer localement la santé et la sécurité publiques. Elles permettent de prévenir les décès liés aux drogues, diminuent les risques de transmission par le sang de virus tels que le VIH et l’hépatite C, et réduisent les nuisances publiques. Elles constituent un moyen efficace de rester en contact avec des populations très marginalisées auxquelles elles donnent accès aux soins et aux traitements en matière de drogue. Elles n’encouragent pas la consommation de drogue.
- Les autorités locales ont un rôle clé à jouer pour accompagner les SCMR et veiller à leur bonne gestion et leur acceptation par les riverains. Elles peuvent travailler en synergie avec les organisations de la société civile et les initiatives et organisations de personnes qui consomment des drogues, ainsi que les instituts de recherche, les gouvernements et les agences nationales et européennes, afin de renforcer leurs efforts et leur impact positif.
> Moins de consommation en public et plus de sécurité pour les usagers
La visite de la SCMR de Paris a permis aux participants de mesurer sur le terrain le bien-fondé de ces principes et les effets positifs en matière de réduction des risques pour les usagers. La SCMR a aussi permis de réduire le trafic local, qui était particulièrement important dans ce quartier de Paris.
Un autre aspect clé concerne les relations avec les habitants du quartier, qui sont divisés entre ceux qui rejettent la structure et ceux qui en comprennent l’utilité. La relation avec les résidents locaux était justement l’un des points clés du projet SOLIDIFY et Gaïa a confirmé que la durabilité de la structure dépend aussi de la qualité des relations avec les habitants afin de dissiper leurs craintes et susciter leur adhésion.
Gaïa entretient des relations positives avec une association de parents du quartier voisin de Barbès et d’autres associations intervenant dans le quartier (entre autres Médecins du Monde et Aides), ainsi qu’avec la police et les hôpitaux proches.
> 1 300 usagers traités en trois ans
Gérée par Gaïa sous la supervision de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et les addictions (MILDECA) et financée par l’Assurance Maladie pour un coût de 3 millions d’euros, la SCMR de Paris, qui est attenante à l’hôpital Lariboisière, a reçu quelque 1 300 usagers depuis sa création pour un total de près de 185 000 actes de consommation de drogue. Cela revient à 169 consommations par jour en moyenne, sans compter les consultations hors injection¹. Disposant de douze places pour l’injection et de quatre pour l’inhalation, elle offre aussi d’autres services comme le dépistage du VIH et des hépatites virales. L’équipe de la SCMR est composée de 40 personnes, dont sept infirmières, un médecin, un psychiatre, des assistants sociaux et des éducateurs dont certains sont d’anciens toxicomanes.
Selon l’association Gaïa, le centre fonctionne aussi comme un « outil de réduction des risques, de sensibilisation et d’acquisition de connaissances ». Il permet de démontrer les impacts positifs de l’approche réduction des risques en matière de drogue et d’avancer sur des questions qui n’étaient pas considérées comme prioritaires avant son ouverture, notamment les formes moins traditionnelles de consommation.
> Une structure qui s’inscrit dans le cadre d’une politique à long terme de la mairie de Paris
La ville de Paris soutient de longue date l’approche « réduction des risques » en matière de drogues. La mairie affirme qu’elle « soutient et finance l’innovation et coordonne les acteurs de la prévention et de la réduction des risques en partenariat avec les services de l’État ». Ainsi, la SCMR « s’inscrit dans un réseau de structures d’accompagnement médico-social des consommateurs de drogues. La décision d’ouvrir la SCMR à été prise pour répondre aux besoins médicaux et sociaux des usagers en errance sur le territoire et apaiser l’espace public. L’ouverture a été controversée sur un plan politique et contestée par une partie des riverains mais trois ans après, le bilan est très positif et conforme aux objectifs poursuivis ».
>D’autres visites de terrain à prévoir, notamment en Belgique
À l’issue de la visite, l’association Gaïa, qui a déjà visité des dispositifs similaires à Barcelone (ES), Essen (DE) et Strasbourg (FR), a exprimé le souhait de poursuivre ce genre de visite de terrain, notamment en Belgique.
> Site web de l’association Gaia / SCMR de Paris
* La délégation réunissait Catherine Moureaux, bourgmestre de Molenbeek Saint Jean ; Sylvie Lahy, directrice de cabinet Zone de Police, Prévention-Sécurité ; Morgane Lobjois, cheffe de cabinet du Centre Public d’Action Sociale de la Ville de Bruxelles ; Sophie Dupaquet, directrice adjointe de BRAVVO asbl, le service de prévention de la criminalité de la Ville de Bruxelles ; Christine Defraigne, première échevine de la Ville de Liège.
1. Journal Libération, 10/01/2020