Paris, France, mars 2019 – Le projet PREPARE mené par l’Efus sur la prévention de la radicalisation en probation et à la sortie de prison a établi un état de l’art dans plusieurs pays européens. Le projet publie une série de sept articles préparés par les experts de PREPARE sur l’Allemagne, la Belgique, l’Espagne, la France, les Pays-Bas, la Suède et le Royaume-Uni.
Voici un résumé de chacun de ces articles (cliquer sur les liens pour accéder à la version intégrale).
> Allemagne : un modèle hybride avec une approche centrée sur la sécurité
En raison du système fédéral complexe en Allemagne, ni l’approche étatique ni l’approche centrée sur la société civile n’ont prévalu jusqu’à présent, même si la tendance se dessine plutôt vers une approche davantage centrée sur la sécurité. Mais les efforts se poursuivent en faveur d’une diversité d’approches, en particulier en ce qui concerne la prise en charge des jeunes. Par conséquent, il existe un nombre assez élevé de projets pilotes qui visent l’innovation et cherchent à améliorer des programmes et projets existants.
Cette diversité d’approches distingue l’Allemagne des autres pays européens. Face à la nécessité d’avoir une certaine diversité professionnelle pour répondre à la menace des idéologies extrémistes et des différents facteurs qui les sous-tendent, cette « stratégie de diversité » s’avère bien fondée et peut continuer à l’être. Dans ce contexte, les différentes expériences et approches doivent être comprises comme une opportunité plutôt qu’un manque de standards fixes.
Parmi les difficultés persistantes figurent notamment les structures de financement qui sont peu stables et court-termistes, ce qui empêche les associations et les ONG de recruter de façon durable du personnel qualifié.
> Belgique : une approche intégrée mise en oeuvre à chacun des trois niveaux de gouvernement
La Belgique est un état fédéral et les compétences en matière de radicalisation sont réparties entre les différents niveaux de gouvernement : le niveau fédéral est responsable de la répression ; les communautés françaises, flamandes et allemandes sont compétentes en matière de prévention, de prise en charge sociale et d’éducation, et les régions (Flandres, Wallonie, Bruxelles) chapeautent les villes et les municipalités.
Chaque niveau élabore une stratégie face à la radicalisation qui répond à une approche intégrée, ce qui demande coordination et coopération. Les villes et les municipalités jouent un rôle important et travaillent depuis de nombreuses années déjà sur la radicalisation, notamment parce qu’elles sont confrontées depuis longtemps au phénomène des résidents locaux qui partent pour les théâtres de guerre, en particulier la Syrie et l’Irak, et participent à ou soutiennent des actes terroristes.
> Espagne : 15 années de travail sur la radicalisation en prison
En Espagne, les premières mesures pour prévenir, détecter, suivre et neutraliser de possibles processus de radicalisation en prison ont été prises à la suite des attentats de Madrid, en 2004.
De plus, le gouvernement a adopté en 2015 le Plan stratégique national de lutte contre la radicalisation violente (Plan estratégico nacional de lucha contra la radicalización violenta), qui reproduit au niveau national la Stratégie de contre-terrorisme de l’Union européenne et la Stratégie de l’UE visant à lutter contre la radicalisation et le recrutement de terroristes, cette dernière, plus récente, étant plus concrète.
Le plan comprend une « référence spéciale au traitement dans les centres pénitentiaires des cas d’individus détenus pour leur participation à des actes de violence ou, dans tous les cas, leurs liens avec le terrorisme. » Dans ces cas-là, les autorités pénitentiaires doivent « surveiller et évaluer l’activité [des prisonniers] dans les centres où ils purgent leur peine. »
Deux programmes nationaux datant de 2014 et 2016 sont plus particulièrement destinés aux détenus radicaux. Leurs objectifs sont notamment de les encourager à se désengager du radicalisme, de prévenir la propagation en prison des idées radicales et d’empêcher les « recrutements » en prison.
De plus, les autorités locales participent au suivi et à la prise en charge des délinquants extrémistes à leur sortie de prison, avec pour objectif de les encourager à se désengager. Elles le font au travers de partenariats pluridisciplinaires.
La France a adopté depuis 2014 une série de politiques globales contre la radicalisation violente, notamment en prison et en probation. Au fil des années, le rôle des autorités locales dans la prévention de la radicalisation s’est renforcé, même s’il est rare qu’elles gèrent directement les individus radicalisés ou en processus de radicalisation.
Outre les mesures prises directement par les autorités pénitentiaires, le gouvernement français a répondu au radicalisme en prison et en probation au travers d’une série de plans d’action publiés en 2014, 2016 et 2018. Par ailleurs, la méthodologie a évolué au cours des années.
Les autorités pénitentiaires coopèrent avec les autorités locales au moment de la sortie de prison pour veiller à ce que les délinquants soient suivis au niveau local et pris en charge une fois qu’ils réintègrent la société.
L’approche néerlandaise peut être résumée comme étant multi-organisationnelle, intégrée et globale. De plus, elle prévoit une mise en oeuvre à l’échelle locale. La prison et la probation contribuent l’une et l’autre à la déradicalisation, au désengagement et à la réintégration en coopération avec les municipalités. Cette approche locale est soutenue à l’échelle nationale.
Le gouvernement met en oeuvre une stratégie nationale anti-terroriste globale pour la période 2016-2020, qui comprend des mesures préventives, répressives et curatives. Les autorités locales de leur côté sont responsables de la gestion individuelle des cas et des approches personnalisées.
Tous les détenus, qu’ils purgent une peine pour terrorisme ou pour tout autre délit, font l’objet d’un « Plan de détention et de réintégration » qui privilégie la réhabilitation et la réinsertion après la libération. Pour les détenus extrémistes, ce plan prend de facto la forme d’un programme de déradicalisation.
De plus, le Service néerlandais de probation soutient cette approche globale, bien qu’il ait élaboré en 2012 sa propre approche en la matière, intitulée « Terrorisme, extrémisme et radicalisation ».
Le Royaume-Uni (Angleterre, Pays de Galles, Écosse et Irlande du Nord) a une stratégie anti-terroriste organisée en quatre axes dont l’un, intitulé « Prevent », a pour objectif d’empêcher le plus tôt possible les individus d’entrer dans un processus de radicalisation. Cette stratégie a été élargie en 2015 pour inclure aussi le rôle des prisons et de la probation dans la prévention et le désengagement.
La stratégie « Prevent » comprend une section dédiée à la prévention en prison et en probation. En prison, l’accent est mis sur l’évaluation initiale et permanente des risques et la collecte de renseignements. Les risques peuvent être gérés par le système des privilèges, les interventions anti-harcèlement, l’arbitrage ou la ségrégation. Des programmes théologiques, motivationnels ou comportementaux peuvent aussi être proposés.
Lors de la libération, les « Arrangements multi-agences pour la protection du public » (Multi-Agency Public Protection Arrangements, MAPPA) doivent être utilisés pour gérer le risque et on peut aussi envisager de diriger les anciens détenus vers le programme Channel. Il s’agit d’un programme pluridisciplinaire où la police travaille avec les autorités locales, les travailleurs sociaux, le personnel du service de santé national National Health Service, les écoles et la Justice pour identifier les individus en risque de dérive vers le terrorisme et travailler avec eux pour prévenir celle-ci.
> Suède : un programme destiné à l’origine aux membres des gangs qui souhaitent se désengager
Quelque 90 individus sont en prison en Suède pour extrémisme violent, la majorité étant liés à l’islamisme et le reste au néo-nazisme. La stratégie nationale adoptée par les autorités suédoise avec ces délinquants est fondée sur quatre principes : les encourager à changer leur vie ; les surveiller pour repérer tout changement ; établir avec eux une relation de confiance pour les encourager à changer ; et les diriger vers le programme Entré destiné à l’origine aux membres des gangs qui souhaitent quitter leur gang. Il est actuellement testé par le Service suédois des prisons et de la probation sur la base d’un partenariat pluridisciplinaire pour aider les individus à trouver un logement, un emploi, à étudier ou bien à rejoindre une organisation non gouvernementale. Les objectifs sont d’aider le client à construire une nouvelle vie et de créer un environnement stable où le risque de récidive et de reprendre contact avec des groupes extrémistes violents est réduit.
Bien qu’il n’y ait pas eu d’évaluation proprement dite, les premiers résultats d’Entré sont encourageants.