Riga, Lettonie, mars 2022 – Comment les collectivités, les acteurs de terrain et les universitaires européens peuvent-ils travailler ensemble pour faire fructifier les connaissances acquises depuis près de 35 ans en matière de politiques de sécurité urbaine et ainsi rendre nos villes plus sûres pour tous ? Tel était le thème de la conférence à mi-parcours du projet IcARUS, mené par l’Efus, qui a réuni quelque 80 participants – élus locaux, praticiens de la sécurité, universitaires et organisations de la société civile – à Riga (Lettonie), les 12 et 13 mai.
Intitulé 35 ans de politiques locales de sécurité urbaine : Quels outils et méthodes pour répondre aux défis de demain ? l’événement marquait la mi-parcours de ce projet de quatre ans, dont l’objectif est de repenser, ré-élaborer et adapter les outils et méthodes afin d’aider les acteurs locaux de la sécurité à mieux anticiper et répondre aux problèmes de sécurité.
Revue des connaissances en matière de sécurité urbaine
Adam Crawford, professeur de Criminologie à l’Université de Leeds, a présenté la revue état de l’art et l’inventaire des outils et pratiques menés par le projet, notamment à partir des dernières 35 années de recherche et de pratiques en matière de sécurité urbaine.
Voici les principaux enseignements de ce travail :
La recherche doit s’appliquer aussi à la mise en œuvre et au ratio coût-bénéfices
La recherche en matière de sécurité urbaine est principalement axée sur les mécanismes d’intervention, les résultats et les effets. Toutefois, certains aspects cruciaux pour les acteurs de terrains ne sont pas ou à peine évoqués, notamment la mise en œuvre et le ratio coût-bénéfices. L’évaluation est importante pour nourrir le corps de connaissances, mais l’évaluation des pratiques n’est pas toujours menée de façon approfondie et il y a également des carences en matière de généralisation et de maintien sur la durée des bonnes pratiques et des interventions réussies.
Adopter une approche multi-partenariale en amont
La mise en œuvre d’une approche à partir des problèmes demande un changement en amont : au lieu d’établir une collaboration multi-partenariale après la définition d’un problème par une seule institution (par exemple la police), l’approche multi-partenariale doit être mise en œuvre en amont dès la définition du problème. De même, elle doit incorporer différentes perspectives.
Des ponts entre la recherche universitaire, l’élaboration des politiques et la pratique
La question de savoir comment capitaliser sur la recherche et les pratiques accumulées depuis 35 ans a également été explorée lors d’une table ronde consacrée à comment renforcer et améliorer la coopération entre d’une part la recherche et les politiques et d’autre part les pratiques de sécurité urbaine.
Les intervenants ont souligné que chaque catégorie d’acteur travaille sur une temporalité et avec une finalité différentes : les responsables politiques ont besoin d’afficher des résultats lors des échéances électorales ; les chercheurs ne sont pas toujours conscients des contraintes des responsables politiques et des acteurs de terrain, et ces derniers trouvent souvent difficile de collaborer avec des universitaires pendant la mise en œuvre des projets en raison d’un manque de structure formelle de coopération. Les intervenants ont appelé ces différents types d’acteurs à mieux se comprendre mutuellement et à tenir compte de leurs temporalités, besoins et contraintes respectives.
Un projet fondé sur la recherche à Mannheim
Dans la Ville de Mannheim, le maire adjoint a mis en œuvre une approche des processus d’élaboration des politiques de sécurité fondée sur la recherche afin de nourrir les débats au conseil municipal et de promouvoir des politiques de sécurité urbaine fondées sur des données probantes.
Les participants à la table ronde ont conclu que les acteurs de la sécurité, quel que soit leur domaine de spécialisation, doivent être capables d’innover et même de prendre des risques. Cela signifie qu’ils doivent tous dépasser la culture du blâme et partager aussi bien leurs réussites que leurs échecs afin d’en tirer des enseignements et d’évoluer.
Autres points à retenir
D’une durée d’un jour et demi, la conférence a exploré d’autres thèmes importants pour IcARUS. Voici les principaux points à retenir :
Comment concevoir des espaces publics inclusifs et sûrs ?
● La conception et la gestion des espaces publics doit prendre en compte les utilisateurs finaux et leurs connaissances de leurs propres attentes et usages des espaces publics.
● Trop souvent, la sécurité des espaces publics est présentée sous un angle négatif (les risques et nuisances à éviter), plutôt que positif (par exemple des lieux où les citoyens peuvent se rassembler et s’exprimer). Nous devons mettre davantage en avant les aspects positifs et désirables des espaces publics.
● Il convient d’intégrer en amont la perspective des femmes, des groupes vulnérables et d’autres utilisateurs dès la phase d’analyse ou d’évaluation.
Renforcer la résilience des jeunes
● Lorsqu’on nous considérons les jeunes, nous devons voir les solutions plutôt que les risques et les menaces. Il est important de faire en sorte que les gens se sentent utiles car ils ont rarement cette opportunité.
● Développer la résilience est de plus en plus considéré comme une approche valable qui fonctionne au mieux lorsqu’elle s’appuie sur un large partenariat, qui peut inclure la police (locale ou non).
● Il est important de déconstruire les stéréotypes des deux côtés, donc la police et autres autorités publiques d’un côté et jeunes locaux de l’autre.
Technologie et sécurité urbaine
● Le design et l’utilisation des technologies pour la sécurité doivent être centrés sur l’humain et prendre en compte les spécificités de chaque contexte local.
● Parmi les ‘valeurs humaines’ à intégrer à tout déploiement de technologie de sécurité urbaine figurent : le bien-être humain, la confiance et le respect de la vie privée.
● Un outil précieux pour utiliser les technologies de façon éthique est la Proposition de cadre réglementaire sur l’intelligence artificielle de l’UE (avril 2021), qui définit le niveau d’acceptabilité de toute une gamme de technologies et d’usages (de risque minimal à inacceptable).
Les difficultés de la prévention de la radicalisation dans un contexte changeant
● En tant que niveau de gouvernance le plus proche des citoyens, les collectivités sont les mieux placées pour prévenir la radicalisation en renforçant la cohésion sociale et en mobilisant leurs partenaires et réseaux à cette fin.
● Ces dernières années, nos sociétés démocratiques ont vu des dirigeants anti-démocrates arriver au pouvoir dans certains pays. L’autoritarisme et les extrémismes anti-démocratiques se rapprochent du centre de la société.
● Les discours polarisants et clivants qui cherchent à saper les principes démocratiques sont de plus en plus répandus par des acteurs qui font partie de l’élite sociale et économique. Ceux-ci utilisent la colère causée par l’exclusion sociale pour faire avancer leurs intérêts.
● Il est crucial d’adapter les stratégies locales de prévention de la délinquance pour répondre à ces dynamiques en évolution et aux nouvelles réalités de la radicalisation.
> Plus d’informations sur IcARUS
> Les comptes-rendus de toutes les sessions de la conférence seront disponibles prochainement sur Efus Network (réservé aux membres)