Paris, France, mai 2021 – Dans le cadre d’un cycle de webconférences dédié à la prévention des rixes, les Forums européen (Efus) et français (FFSU) ont organisé une rencontre en ligne le 18 mai sur le thème de la prévention par les pairs qui a réuni une cinquantaine d’acteurs de la sécurité locale : élus, techniciens des collectivités et associations.
Sous la pression des pairs
Les protagonistes des rixes sont des pré-adolescents, adolescents et jeunes adultes, donc des jeunes à une période de la vie où l’on construit son identité personnelle et sociale. Ces jeunes peuvent se retrouver dans des situations de violence comme auteur ou comme victime.
La construction sociale se fait en partie en confrontation avec les adultes, qu’il s’agisse des parents ou des professionnels. Elle se fait aussi au contact de pairs qui revendiquent une même identité et avec lequel on partage un sentiment d’appartenance fort : les groupes se fédèrent autour de l’amitié et du quartier. Nombre de jeunes sont sous la pression de leurs pairs (« on ne peut pas dire non »), dans une logique de loyauté, d’honneur et de réputation. C’est justement parce qu’ils comprennent ce que vivent ces jeunes et qu’ils sont « comme eux » que les pairs peuvent intervenir dans les quartiers pour prévenir ou atténuer les conflits.
Une approche complémentaire
L’approche de prévention par les pairs est une méthode complémentaire aux approches plus traditionnelles de prévention des tensions, du harcèlement et de la violence et doit s’inscrire dans le cadre d’une politique globale de prévention. Bien qu’elle ne soit pas nouvelle, elle continue à susciter des réserves, notamment parce qu’elle peut soulever des questionnements éthiques. De manière générale, elle demeure peu utilisée en France comme en Europe.
La médiation au collège
La médiation scolaire consiste en une présence de médiateurs sociaux dans et aux abords des établissements scolaires dans l’objectif de prévenir des situations conflictuelles telles que le harcèlement par exemple. Les médiateurs scolaires proposent un accompagnement individuel ou collectif des élèves et impulsent des projets s’inscrivant dans la vie de l’établissement.
Il est très important que de telles initiatives soient encadrées par le personnel éducatif et de façon générale par les adultes, notamment pour éviter que les jeunes médiateurs n’aient à affronter seuls des problèmes qui peuvent être trop lourds pour eux. De même, ce type d’initiative doit se poursuivre sur la durée et être régulièrement évaluée.
Certains établissements scolaires peuvent hésiter à mettre en place un tel dispositif d’implication des jeunes parce que ceux-ci pourraient se retrouver dans des situations à risques, alors même que la médiation traditionnelle par les adultes donne des résultats satisfaisants. Il apparaît ainsi nécessaire de bien travailler la posture des pairs afin d’éviter qu’ils ne soient mis en danger.
Enfin, il convient de trouver un équilibre entre l’outillage nécessaire des jeunes et un excès de formalisme qui nuirait à la spontanéité de leurs interventions. À éviter aussi, les discours moralisateurs qui peuvent être contre-productifs.
Le recours aux aînés et à des leaders positifs
L’enjeu ici est de rendre le message de prévention crédible auprès des jeunes en s’appuyant sur des référents plus âgés qu’ils écoutent et respectent. Qui mobiliser pour ce type d’intervention ? Qui élabore les messages de prévention ? Les référents aînés sont-ils libres d’agir à leur guise ou doivent-ils être encadrés par des acteurs traditionnels de la prévention ? Comment et dans quelle mesure ces échanges intergénérationnels doivent-ils être institutionnalisés et comment évaluer l’impact de ces démarches ? Des représentants de villes ont partagé leur expérience.
Rap contre rixes
La Ville de Saint-Denis, à proximité de Paris (France), a évoqué le travail de médiation d’Adama Camara, 32 ans, qui après un séjour en prison (pour avoir tiré sur des jeunes pour venger la mort de son jeune frère poignardé) consacre désormais son temps à la prévention dans les quartiers sensibles. À Saint-Denis, il est intervenu dans deux collèges identifiés comme étant au cœur de rixes inter-quartiers pour des séances d’échange en classe avec des élèves entre 13 et 15 ans. Son projet de prévention, intitulé Descente de mots, va se poursuivre à Saint-Denis avec des ateliers d’écriture (rap, slam, poème) qui rassembleront en juillet des jeunes volontaires et d’autres identifiés comme étant des leaders potentiels.
La Ville veut désormais étendre l’initiative à d’autres établissements et multiplier ce type d’interventions avec d’autres personnes adultes-ressources (ex : compagnies de théâtre).
De Paris au Bronx
Mamadou Doucara, directeur d’un Espace Jeunesse parisien, a fait intervenir deux « jeunes charismatiques » pour prévenir les rixes entre jeunes du 18e et du 19e arrondissements. L’Espace Jeunesse leur a fourni des caméras pour qu’ils puissent réaliser un reportage. Ensuite, un séjour a été organisé au Bronx à New York pour les jeunes des deux quartiers rivaux. En définitive, la connaissance des jeunes pairs du territoire et des enjeux ont permis de faire disparaître les « histoires » entre les deux quartiers.
Atelier boxe et randonnée à Bastia
À Bastia, en Corse, qui a récemment été le théâtre d’une série de rixes, l’association de prévention LEIA a mis en place des ateliers de prévention expérimentaux – boxe, groupe de parole, randonnée, théâtre… – animés par un binôme éducateur/psychologue.
Mobiliser les acteurs du quartier
Ces exemples concrets et l’expérience des participants confirment que la prévention des rixes appelle une approche holistique associant une large diversité d’acteurs locaux et pouvant englober à ce titre les actions de prévention par les pairs. C’est avant tout une dynamique d’acteurs de quartier qu’il convient de favoriser, au sein de laquelle peut et doit s’inscrire la prévention par les pairs.
Il est important de souligner à nouveau que l’intervention des pairs ne signifie pas que les professionnels doivent se dessaisir des problèmes et que ce type de prévention doit s’inscrire dans le cadre d’une stratégie globale.
> Les prochaines webconférences dédiées aux rixes : septembre (date à confirmer) : Aide aux victimes et travail de mémoire
> Lire le communiqué de presse du FFSU sur la prévention des rixes
Le saviez-vous ?
Le FFSU mène depuis 2020 un accompagnement dans plusieurs villes pilotes de Seine-Saint-Denis, à proximité de Paris (France) sur la prévention des rixes entre jeunes, en partenariat avec la Mission métropolitaine des conduites à risque (MMPCR) et le Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales (CESDIP), avec le soutien de la Préfecture. Les diagnostics locaux, l’analyse des actions déjà réalisées et un parangonnage sur les autres pratiques mises en place en Europe permettront d’élaborer une stratégie qui sera ensuite déployée sur l’ensemble du département.